Le
système constitutionnel[1]
marocain
Aperçu
historique
Le Maroc est resté
à l’abri de l’invasion turque, mais les assauts répétés des puissances
occidentales vont progressivement le soumettre et le dépouiller de son
indépendance. Ces assauts commencent par des traités de commerce (1856)[2],
des indemnités de guerre (1860) et des prêts usuraires. Le cercle vicieux des
emprunts[3]
précipita l’étouffement des finances du Maroc. En 1904, le Maroc perd le
contrôle de ses douanes au profit de la France dont une partie servira au
remboursement de dettes.
L’acte d’Algésiras
(1906) proclame l’indépendance du Maroc mais reconnait aux différentes
puissances européennes le droit d’y faire des affaires (une
internationalisation économique du Maroc)[4].
Cet acte reconnait vaguement à la France une position privilégiée et confirmait
la zone d’influence consentie à l’Espagne en 1904. Ce sont les incidents
survenus aux frontières algéro-marocaines qui servent comme prétexte aux
troupes françaises d’intervenir dans l’oriental marocain. Le sultan (à Fès), se
sentant menacé par une révolte, fait appel
à la France. Ce qui laisse libre cours à l’établissement du protectorat
au Maroc en 1912[5].
**Protectorat et naissance du nationalisme
marocain
Selon le Traité de
1912, le sultan détient officiellement tous les pouvoirs, mais en réalité il
n’a la maitrise d’aucun pouvoir[6].
Le processus d’élaboration des décisions et de leur exécution, bien qu’elles
soient revêtues de ses sceaux, lui échappe complètement. L’administration du
makhzen est maintenue, flanquée cependant d’une administration de contrôle
exerçant une tutelle sur les ministres et les responsables régionaux (une
dualisation). C’est ainsi que le sultan règne et la France gouverne.
Le système de
protectorat établi par le traité de Fès opte pour la conservation et le maintien des structures mentales et
sociales traditionnelles. Il ménage le makhzen et tous les satellites tournant
autour, à savoir les confréries et le système des familles de notables. Aucun
moyen de promotion sociale n’est mis en place pour renouveler le système
makhzanien.
La domination coloniale stimule la naissance
d’une réaction nationaliste. C’est ainsi
qu’une nouvelle élite voit le jour (c’est en fait une frange de populations
urbaines et une bourgeoisie commerçante de Fès) et déterminera en partie la configuration de
l’Etat marocain postcolonial. C’est dans le giron de ces composantes sociales
que les germes du mouvement national ont pris. Le dahir berbère[7] est un facteur de déclenchement de l’action
de ce mouvement. En 1933, se crée le Comité d’Action Marocaine (CAM) qui se
charge d’élaborer et d’exposer la plate-forme revendicative du mouvement [8]:
le « Plan de réformes marocaines » présenté aux autorités du
Protectorat en 1934. Ce plan revendique la création de municipalités et d’un
Conseil national consultatif (élu) auprès du sultan[9].
Dans ce processus
d’affirmation du mouvement national, le CAM connaitra des dissensions internes
et éclata en 1937 en deux organisations rivales : le parti national
d’Allal el-Fassi et le parti populaire de M. H. el-Ouazzani. Le parti d’Allal el-Fassi devient le parti de
l’Istiqlal en 1944. Il fera de l’ombre au parti de M. H. Ouazzani et au Parti Démocratique de l’Indépendance (PDI).
Le parti de
l’Istiqlal sera la pièce maîtresse du Mouvement national. Ce dernier est dominé
par la bourgeoisie traditionnelle et était ainsi incapable de faire adhérer les
diverses composantes sociales à sa stratégie revendicative. Seul le sultan
s’est révélé à même de fédérer les différentes couches au projet de l’Istiqlal.
Cet état des choses va impacter le contenu du « Manifeste » et en
faire un document ambigu. C’est pourquoi la revendication du mouvement national
est restée très modeste en ménageant le sultan et en voulant en faire un
symbole doué de prestige traditionnel[10]
(programme institutionnel portant sur le statut de la monarchie). C’est
d’ailleurs le mot d’ordre du retour du sultan au Maroc, après sa déposition par
la France en 1953, qui redonne au Mouvement national une apparence d’unité après son éclatement et
après que l’Istiqlal ait perdu son monopole sur ses différentes composantes.
**Etat postcolonial
A l’indépendance,
le sultan devient roi, il impose son leadership et assoit la légitimité de la
dynastie chérifienne alaouite selon une nouvelle articulation, de la double
dimension intrinsèque et contractuelle du sultanat (Michel Camau, p. 400). Ainsi
l’institution du sultan se trouve restaurée et modernisée. C’est un changement
dans la continuité. Mohamed V a certes sauvegardé le prestige traditionnel de
ses ancêtres et, avec lui, la modalité de discipline de l’ancien makhzen. Il
n’en a pas moins hérité des ressources de gouvernement (logistique
bureaucratique, quadrillage
administratif, fiscalité…) du Résident général de France[11].
Ces circonstances
de lutte pour l’indépendance consacrent le sultanat (le makhzen) comme étant
l’incarnation du peuple, du pays et comme, in fine, le dépositaire de la souveraineté nationale. Et
sous couvert d’un rôle d’arbitre entre les différentes tendances de l’opinion
marocaine, le roi tisse des alliances lui permettant de neutraliser l’Istiqlal.
Le gouvernement qu’il nomme remplit des tâches
de gestion sans avoir les moyens de gouverner. L’absolutisme[12]
traditionnel sera reconduit, dans la constitution, sous une forme moderne. Il
va être investis de tous les pouvoirs même ceux que ne lui revenaient pas avant le Traité de Fès.
Le Maroc va ainsi
inaugurer la pratique des constitutions écrites[13].
Ce faisant, il va connaitre six constitutions depuis son indépendance. Elles
ont été promulguées respectivement en 1962, 197O, 1972, 1992, 1996 et 2011.
Section I : La constitution du 14 décembre 1962
La première
constitution (1962) traduit l’issue d’un rapport de forces entre, d’une part,
les partisans d’une monarchie[14]
constitutionnelle[15]
et une monarchie soucieuse de sa pérennité, d’autre part. Celle-ci s’érige le droit de mettre sur pieds une
Assemblée constituante dont le mode de désignation est contesté par les
partisans d’une monarchie constitutionnelle.
Mohamed V met en place, par dahir du 3 nov. 1960, un
conseil Constitutionnel composé de 78 membres. Constitué des représentants des
partis politiques (PI, UNFP, MP, PDC), le conseil s’est empêtré dans des
divergences sur l’orientation (idéologique) à prendre et la méthode de travail
à adopter. Et c’est à l’arrivée d’Hassan II au trône en 1961, qu’une constitution sera préparée et soumise
au référendum[16]
du 7 décembre 1962 et promulguée le 14 décembre de la même année.
Cette constitution
stipule (art. 1er) que le Maroc est monarchie constitutionnelle,
démocratique et sociale et la souveraineté appartient à la nation qui
l’exerce directement par voie de référendum et indirectement par
l’intermédiaire des institutions constitutionnelles. Elle proclame (art. 9) la liberté de circulation,
d’établissement, d’opinion, d’expression sous toutes ses formes, de réunion, d’association, d’adhérer à toute organisation syndicale ou
politique. Son article 10 stipule que « Nul ne peut être arrêté, détenu ou
puni que dans les cas et les formes prévus par la loi. Le domicile est inviolable.
Les perquisitions ou vérifications ne peuvent intervenir que dans les
conditions et les formes prévues par la loi ». L’article 11 stipule que la
correspondance est secrète. Elle
reconnait les droits économiques et
sociaux essentiels : droits à l’éducation et au travail (art. 13), droit
de grève (art. 14), droit de propriété (art. 15).
A- La Royauté
Les prérogatives
du roi, selon cette constitution, sont tentaculaires. L’article 19[17]
en fait même une institution au-dessus de la constitution. Il règne et gouverne
éclipsant ainsi le rôle des institutions et faisant du gouvernement un
instrument tributaire dans son action de la volonté royale[18].
Le roi peut dissoudre la Chambre des représentants après avoir consulté le
Président de la Chambre constitutionnelle et adressé un message à la nation
(art. 77). L’article 35 de la Constitution accorde au roi le pouvoir de
proclamation de l’état d’exception sans aucun contrôle juridictionnel. Le roi
peut en recourir lorsqu’il estime que la stabilité et l’intégrité du pays sont
menacées. Il met aussi fin à cet état d’exception lorsqu’il juge que la
situation en est favorable. Durant l’état d’exception, le fonctionnement des
institutions constitutionnelles est suspendu. Le roi dispose d’un pouvoir
discrétionnaire pour évaluer si un état de troubles, d’instabilité interne ou
de menaces extérieures justifie le recours à l’état d’exception.
Cette situation
s’explique par la conjoncture d’instabilité qui se caractérise par la persistance d’une tradition
makhzénienne et par le manque d’une culture politique moderne dans le nouveau
jeu politique marocain. Ce régime politique désormais appelé néopatrimonial
réduit le gouvernement et le parlement aux rangs de figurants.
B- Le gouvernement
Les
membres du gouvernement sont nommés par le roi. Ils sont responsables devant
lui. ‘’Ils le sont également devant le parlement’’. Après sa nomination, le premier ministre se
présente devant les deux chambres et expose sa déclaration de politique
générale (art. 65). Cette présentation n’est pas suivie de vote, car le
gouvernement est responsable devant le roi en premier lieu. Le gouvernement
veille à l'exécution des lois. Il dispose de l'administration (art. 66). Le
premier ministre a l’initiative des lois et exerce le pouvoir réglementaire
autonome, sauf dans les matières expressément dévolues par la constitution au
roi. Aucun projet de loi ne peut être déposé par ses soins sur le bureau des
Chambres, avant qu'il n'en ait été délibéré en Conseil des ministres (art.
67). Les actes réglementaires du Premier
ministre sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution (art. 68).
La
responsabilité du gouvernement peut être engagée devant la Chambre des
représentants par le biais de la question de confiance ou par la motion de
censure. La première est posée par le Premier ministre, après délibération en
Conseil des ministres, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote
d’un texte. La seconde est à l’initiative de la Chambre des représentants. Elle
doit être déposée par un dixième au moins de ses membres… La censure n’est
approuvée qu’à la majorité absolue des membres composant la Chambre (art.8O-81). Le contrôle du gouvernement se
fait également par le biais des questions adressées par les représentants au
gouvernement (contrôle parlementaire).
Le
gouvernement expédie les affaires courantes et ne définit pas la politique
générale de la nation. Du fait de sa dépendance de l’institution royale, il n’a
qu’un rôle limité. Il revêt l’aspect d’une institution apolitique.
C- Le parlement
Dans la
Constitution de 1962, le Parlement (est
bicamérale) se compose de deux chambres : la Chambre des représentants et
la Chambre des Conseillers (art. 36). La première est élue au suffrage
universel direct pour quatre ans (art. 44). Le mode de scrutin majoritaire à un
tour fut établi. La Chambre des Conseillers
se compose de deux tiers des
membres des assemblées préfectorales et
provinciales, des Conseils communaux, et d’un tiers des membres élus des
Chambres d’Agriculture, du Commerce et de l’industrie et des organismes
syndicaux. Les membres sont élus pour six ans, mais la moitié est renouvelée
tous les trois ans (art. 45).
La loi est
votée par le Parlement. Le Parlement peut autoriser le gouvernement, pendant un
délai limité, et en vue d'un objectif déterminé, à prendre par décret, délibéré
en Conseil des ministres, des mesures qui sont normalement du domaine de la
loi. Les décrets entrent en vigueur dès leur application, mais ils doivent être
soumis à la ratification du Parlement, à l'expiration du délai fixé par la loi
d'habilitation. La loi d'habilitation devient caduque si la Chambre des
représentants est dissoute (art. 47)
Tout projet
ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux Chambres, en vue
de l'adoption d'un texte identique. Lorsqu'un projet ou une proposition de loi
n'a pu être adopté qu'après deux lectures par chaque Chambre, ou si le
gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture par chacune d'entre
elles, le projet ou la proposition de loi est soumis de nouveau à la Chambre
des représentants qui l'adopte ou le rejette à la majorité des deux tiers. En
cas d'adoption, le texte est laissé à la décision du roi (art. 62).
Les lois
organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes : le projet
ou la proposition n'est soumis à délibération et au vote de la première Chambre
saisie, qu'à l'issue d'un délai de dix jours après son dépôt. La procédure de
l'article 62, alinéa 2, n'est pas applicable. Selon l’article 63, les lois organiques ne peuvent être
promulguées qu'après avoir été soumises à l'approbation de la chambre
constitutionnelle de la Cour suprême. Le roi promulgue la loi, il peut la
soumettre à une nouvelle lecture (art. 26 et 71).
D- Les autres institutions constitutionnelles
L’article 86 de la Constitution prévoit la création d’un Conseil
supérieur de la magistrature, composé de 11 membres et présidé par le Roi, et dont
la mission est de veiller, selon l’article 87, à l’application des garanties
accordées aux magistrats (avancement et discipline). Quant à la Haute Cour de
justice (Titre VII), elle juge, selon l’article, 86 les membres du gouvernement
pour des délits commis pendant l’exercice de leur fonction. Elle est composée
de parlementaires élus en nombre égal par les deux chambres et son président
est nommé par décret royal. Quant à l’article
100, il stipule : « Il
est institué au sein de la Cour suprême une chambre constitutionnelle ».
Elle statue (art. 103) sur la régularité de l'élection des membres du Parlement
et des opérations de référendum. Elle statue aussi sur le conflit opposant le
gouvernement et les Chambres sur le caractère législatif ou réglementaire d’un
texte (art. 56). Elle contrôle la conformité des règlements intérieurs des assemblées
parlementaires et des lois organiques à la constitution avant leur entrée en
vigueur (art. 43 et 63).
Il faut noter que,
dans cette constitution, la Chambre constitutionnelle n’est pas compétente pour
contrôler la constitutionnalité des lois ordinaires.
La première
constitution marocaine est promulguée le 14 décembre 1962. Elle s’inscrit dans
ce processus de modernisation de l’Etat makhzénien entamé depuis le traité de
Fès. Ce processus demeure néanmoins limité et contrôlé, car l’enjeu du pouvoir
suscite des convoitises et des guerres souterraines. Ainsi des élections à la chambre des
représentants sont organisées le 17 mai 1963. Ces élections vont faire apparaitre
deux pôles politiques : pôle de la conservation du makhzen, représenté
principalement par le mouvement populaire, du parti démocratique
constitutionnel et des libéraux indépendants regroupés sous la bannière du
Front pour la défense des institutions constitutionnelles (FDIC) et formé la
veille des élections ; pôle de l’opposition représenté par l’Istiqlal et
l’UNFP.
Une confrontation
entre ces deux pôles va s’ensuivre. Elle va paralyser le parlement et conduire
à la proclamation de l’état d’exception. Le résultat des élections à la première
chambre donne l’opposition aux coudes à coudes avec le FDIC[19].
Quant à la deuxième Chambre, le FDIC obtient 102 sièges sur 120. L’opposition conteste ces
résultats pour fraude et accuse les autorités d’être intervenues au profit des
candidats du FDIC. Par ailleurs, l’opposition s’est montrée très soudée et très
combattive à l’égard du gouvernement, lequel s’est montré faible du fait de son
hétérogénéité et du fait aussi que le Mouvement Populaire se désolidarise souvent du gouvernement. Ce blocage amène le roi
Hassan II à recourir à l’article 35 de la constitution (le 7 juin 1965). Il
dissout la Chambre des représentants et s’arroge tous les pouvoirs sans
annoncer le recours à de nouvelles élections. Il annonce que la Constitution ne
garantit pas le bon fonctionnement des institutions politiques et, par
conséquent, elle doit être révisée, sans pour autant préciser la date de cette
révision. Ce n’est que le 31 juillet 1970 qu’une nouvelle constitution est
adoptée.
Section II- La constitution du 31 juillet 1970
C’est encore une
fois le roi qui procède à la révision constitutionnelle. C’est ce qui suscite
encore une fois le lever de bouclier de l’opposition. D’autant plus que dans
cette nouvelle Constitution les prérogatives du roi seront encore plus étendues
au détriment du gouvernement et du parlement.
A- Les
pouvoirs du roi dans cette révision constitutionnelle
L’article 19
renforce davantage les prérogatives du roi. Désormais, il est représentant
suprême de la Nation. Il est de fait au-dessus des représentants (élus)
ordinaires. Des restrictions seront apportées dans le nouveau texte (art. 28)
au droit de débattre des discours du roi que ce soit au sein du parlement, de
la presse ou entre les citoyens. Egalement,
l’article 37 exclut l’immunité parlementaire pour ceux qui s’expriment
en mettant en cause le régime monarchique, la religion musulmane, ou
constituent une atteinte au respect dû
au Roi. L’article 20 lui accorde
le pouvoir réglementaire (ce qui en fait un pouvoir exécutif). Et conformément
à l’article 50, le roi est habilité à modifier à tout moment des textes pris en forme législative
et qui sont du domaine réglementaire. Le
roi exerce le pouvoir législatif en cas de dissolution de la Chambre des
représentants (art. 70).
Dans cette
révision, le Premier ministre n’a plus l’initiative de la révision
constitutionnelle et ne peut exercer le pouvoir réglementaire que par
délégation du roi.
B- Un
parlement et un gouvernement effacés
La nouvelle
mouture de la constitution prévoit la mise en place d’un parlement monocaméral
dont le tiers seulement des membres est élu au suffrage universel direct et les
deux tiers au mode indirect et provenant des collèges composés des conseillers
communaux, des chambres professionnelles et des représentants des salariés
(art. 43). Et selon l’article 97, le
parlement est dessaisi de l’initiative de la révision constitutionnelle ;
il peut seulement adresser une proposition qui doit être adoptée par les deux
tiers de ses membres. Le droit de guerre n’appartient plus au parlement (art.
72). Le roi peut aussi s’accorder la totalité des pouvoir du parlement (art.
70) pendant une durée de trois mois à la
suite de sa dissolution[20].
Cette nouvelle
constitution suscite encore la réaction de l’opposition regroupée désormais
sous le vocable de la Koutla el watania (22juillet 1970). Elle a appelé à
boycotter les élections organisées à
partir du 21 aout 1970 et que le MP et les candidats du Makhzens ont raflé (261
sièges). Cette situation traduit une tension dans la vie politique. La violence
exercée par le makhzen sur l’opposition et le manque de perspectives politiques
claires conduisent inéluctablement à un blocage politique. La tentative de coup
d’Etat entrainera un fort raidissement du régime de Hassan II. Cette
constitution va être encore suspendue jusqu’en 1972.
Section III- La Constitution du 10 mars 1972
Si la constitution précédente avait
verrouillé le champ politique au profit du roi, celle du 10 mars 1972
entreprend une ouverture très timide envers l’opposition. Mais il faut dire de
prime abord que cette constitution est aussi élaborée par le roi. La
revendication de l’opposition d’une assemblée constituante élue n’a encore pas
été retenue.
A- Un début d’ouverture
Cette ouverture
concerne la remise du pouvoir réglementaire au premier ministre, mais le roi ne
demeure pas moins chef de l’Etat et du gouvernement, car ce dernier exerce ses fonctions sous le
contrôle du roi.
Aussi est-il le
cas du parlement qui reprend son droit d’initiative en matière de révision
constitutionnelle. Laquelle révision doit recueillir une majorité des deux
tiers des membres composant la chambre des représentants pour être soumise au
référendum. La dissolution de la Chambre des représentants est entourée d’un
ensemble de garanties. Ainsi le roi ne peut plus la dissoudre du fait seulement
que le peuple approuve un projet de loi rejeté par la Chambre.
Un autre
changement est intervenu au niveau de la composition de la chambre des
représentants. Elle est désormais formée de deux tiers élus au suffrage direct
et un tiers au suffrage indirect.
L’ouverture touche
aussi les autres institutions constitutionnelles. Ainsi est-il le cas de la
chambre constitutionnelle. Celle-ci, selon les articles 94-95, est désormais
formée de six membres : trois nommés par le roi et trois désignés par le
président de la chambre des représentants.
C- Le consensus
Il faut dire que
le climat politique demeure tendu jusqu’en 1977, date de la mise en place des
institutions prévues par la
constitution. Entretemps il y a eu une deuxième tentative de coup d’Etat. C’est
néanmoins l’affaire des provinces sahariennes récupérées qui va susciter le
consensus entre l’opposition et le roi. Et entre 1977 et 1992 il n’y a eu que
deux élections législatives. En 1983, le roi reporte les élections et en 1990,
il proroge le mandat des députés de deux ans. Et le déroulement des élections
et de leurs résultats obéissent à un jeu politique contrôlé par le roi. Une
nouvelle révision constitutionnelle est entreprise en 1992.
Section IV- La constitution du 9 octobre 1992 (Apports de la nouvelle
révision constitutionnelle)
C’est toujours le
roi qui est derrière cette nouvelle révision constitution. Le processus de
démocratisation de l’Europe de l’est et la conditionnalité de l’aide
internationale au progrès de la démocratie en Afrique combinés à la
revendication intérieure, poussent Hassan II à entreprendre une réforme
cosmétique du système constitutionnel.
A- Proclamation des droits de l’homme
Dans son
préambule, pour la première fois, une constitution marocaine dispose : ‘’Conscient de la nécessité d'inscrire son
action dans le cadre des organismes internationaux, dont il est un membre actif
et dynamique, le Royaume du Maroc souscrit aux principes, droits et obligations
découlant des chartes desdits organismes et réaffirme son attachement aux
droits de l'homme tels qu'ils sont universellement reconnus’’. Ce qui veut
dire que le Maroc est amené à adapter sa législation aux traités et conventions
signés et adoptés par ce dernier.
B- Parlement et Gouvernement
La nouveauté dans
cette constitution concernant le gouvernement, c’est la disposition de
l’article 60 : ‘’Sous la
responsabilité du Premier ministre, le gouvernement assure l'exécution des lois
et dispose de l'administration’’. L’article 4O, quant à lui, prévoit pour
la première fois dans l’histoire du Maroc, la création de commissions
d’enquête. Et le parlement n’est pas dissout en cas de proclamation de l’état
d’exception.
C- Juridiction
C’est aussi par
cette révision qu’un conseil constitutionnel est institué (art. 76). Cet organe
est habilité à vérifier la conformité des lois ordinaires à la Constitution
avant leur promulgation[21].
Il est également consulté par le chef de l’Etat en cas de proclamation de l’état d’exception.
D- Collectivités territoriales et
conseil économique et social
Aux termes du
Titre X, articles 94, 95, 96, la constitution prévoit la mise en place de la
région comme collectivité territoriale. Elle pose que : ‘’Toute autre collectivité locale est créée
par la loi’’ et que : Dans les préfectures et les provinces, les
gouverneurs coordonnent l'action des administrations et veillent à
l'application de la loi. Ils exécutent en outre les décisions des assemblées
préfectorales et provinciales.
***
Dans cette
constitution, on prévoit également la création d’un conseil économique et
social (art. 91). La mission de ce conseil reste néanmoins consultative.
Des élections ont
été organisées le 25 juin 1993 à la suite de la promulgation de cette
constitution. Au scrutin direct, l’opposition –Koutla- (PI, USFP, PPS et OADP)
a obtenu 111 sièges sur 222 ; les
partis de l’entente -Wifac- (UC, MP, PND) ont recueilli 88 et le RNI 28. Au
scrutin indirect, l’opposition n’a recueilli que 21 sièges sur 111. Ce qui l’a poussée à crier au scandale des
irrégularités entachant ce scrutin. Mais pour
contenir sa colère le roi lui propose de participer au gouvernement.
Elle rejette cette offre prétextant qu’elle ne pourrait participer à un
gouvernement qui n’aura pas les moyens constitutionnels pour mettre en œuvre sa
politique. Elle conditionne sa participation par une réforme constitutionnelle
substantielle. En réaction à ce rejet de l’offre royale, le roi nomme un
gouvernement de technocrates en dehors de la majorité parlementaire. Ce qui ne
contribue nullement à décrisper le climat politique. En attendant la révision
constitutionnelle de 1996, chaque camp campe sur ses positions.
Section V- La constitution de 1996
Hassan II initie
encore, pour la cinquième fois, une révision constitutionnelle dans laquelle
les attributions du roi et du gouvernement demeurent inchangées.
A- Les nouveautés dans cette
constitution
Le parlement
devient bicaméral[22]
(art. 36) : Chambre des représentants et Chambre des conseillers. Les
premiers sont élus au suffrage universel direct (art.37) et les seconds au
suffrage indirect[23]
(art.38). Ce parlement se réunit en session ordinaire deux fois par an, et
chaque session doit durer au moins trois mois (art.40). Il peut aussi se réunir
en sessions extraordinaires (art.41).
L'initiative des lois appartient concurremment
au Premier ministre et aux membres du Parlement. Les projets de lois sont
déposés sur le bureau de l'une des deux Chambres (art. 52). Et les lois sont
adoptées par les deux chambres en termes identiques.
Quant au pouvoir de contrôle du
gouvernement (art. 75), le Premier ministre peut engager la responsabilité du
gouvernement devant la Chambre des Représentants, sur une déclaration de
politique générale ou sur le vote d’un
texte. Et selon l’article 76, la Chambre
des représentants peut mettre en cause la responsabilité du Gouvernement par
une motion de censure (recevable lorsqu’elle est signée par le quart au moins
des membres composant la Chambre). Quant à l’article 77, il stipule : « La Chambre des Conseillers peut voter des motions d'avertissement ou
des motions de censure du Gouvernement. La motion d'avertissement au
Gouvernement doit être signée par le tiers au moins des membres de la Chambre
des Conseillers. Elle doit être votée à la majorité absolue des membres
composant la Chambre. Le vote ne peut intervenir que trois jours francs après
le dépôt de la motion. Le vote de censure entraîne la démission collective du
Gouvernement ».
Quant à la révision constitutionnelle
(Titre XII), l’article 104 dispose: « La
proposition de révision émanant d'un ou de plusieurs membres d'une des deux
Chambres ne peut être adoptée que par
un vote à la majorité des deux tiers des membres qui composent cette Chambre.
Cette proposition est soumise à l'autre Chambre qui peut l'adopter à la
majorité des deux tiers des membres la composant. L’article 105 stipule que les
projets et propositions de révision sont soumis, par dahir, au référendum. »
B- Conseil
constitutionnel et Cour des comptes
Pour le Conseil constitutionnel,
dans la constitution de 1996, le nombre de conseillers passe de neuf à douze,
six sont nommés par le roi, dont le Président du conseil, et les deux
présidents des deux chambres en nomment chacun trois. Leur mandat passe de six
à neuf ans renouvelable pour chaque catégorie de membres tous les trois ans
(art. 79).
La Cour des comptes a été instituée
par la constitution dans son Titre X. L’article 96 stipule que la Cour des comptes est chargée d'assurer le
contrôle supérieur de l'exécution des lois de finances. Par ailleurs, ‘’elle s'assure de la régularité des
opérations de recettes et de dépenses des organismes soumis à son contrôle en
vertu de la loi et en apprécie la gestion. Elle sanctionne, le cas échéant, les manquements aux règles qui
régissent les dites opérations’’. Et en vertu de l’article 97, ‘’la Cour des comptes assiste le Parlement et
le Gouvernement dans les domaines relevant de sa compétence en vertu de la
loi’’. Elle rend compte au Roi de l'ensemble de ses activités’’.
Les Cours régionales des comptes,
quant à elles, sont chargées d'assurer
le contrôle des comptes et de la gestion des Collectivités Locales et de leurs
groupements, conformément à l’article 98.
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A partir de cette date, s’instaure
un consensus entre les différentes sensibilités politiques. Ainsi toutes les
lois votées (le code électoral par exemple du 2 avril 1997) conformément aux
dispositions de la constitution de 1996 ont bénéficié de ce nouvel environnement
politique. La mise en place de toutes les
institutions constitutionnelles s’inscrit dans cette nouvelle tendance
de semi détente, laquelle aboutit à la signature d’une déclaration commune du
28 février 1997 par le gouvernement et les partis politiques au terme de
laquelle les deux parties s’engagent à œuvrer à assurer des élections
transparentes[24].
Des élections législatives sont
organisées le 14 novembre 1997pour la première chambre et le 5décembre 1997
pour la deuxième chambre, dont les résultats sont contestés aussi bien par
l’opposition que par certains partis de l’ex-majorité. Pour la première
chambre, la Koutla a obtenu 102 sièges, le Wifaq 100, le FFD 9, le PSD 5, le
RNI 46, le MDS 32, le MNP 19, le MPDC 9, le PA 2 ; le PDC 1. Ainsi aucune
majorité absolue ne se dégage de cette élection. Quant à la deuxième chambre,
les résultats sont comme suit : RNI 42 sièges, MDS 33, UC 28, MP 27, PI
21, PND 21, USFP 16, MNP 15, PA : 13, FFD : 12, PPS : 7,
PSD : 4, PDI : 4. Les élections des collèges de salariés ont donné
les résultats suivants : CDT : 11 sièges, UMT 8, UGTM : 3 et un
seul siège pour chacune des centrales syndicales suivantes : UDT, COM,
USP, SND.
Malgré ces résultats contestés, les
partis de l’opposition ont accepté le jeu de l’alternance avec les assurances
et les garanties de Hassan II. Ainsi le
4 février 1997, le roi charge A. Youssoufi de former un gouvernement d’union
nationale. Désormais est entamée une nouvelle ère appelée d’alternance et de
transition[25].
Section
V- La constitution de juillet 2011
Aux manifestations du 20 février 2011, le roi Mohamed VI répond par un
discours (le 9 mars 2011) dans lequel il dit : « La sacralité de
nos constantes font l’objet d’une unanimité nationale, à savoir l’Islam en tant
que religion de l’Etat, la commanderie des croyants, le régime monarchique… et
à partir de ces prémisses référentielles immuables, nous avons décidé
d’entreprendre une réforme constitutionnelle globale ».
Cette constitution va être, par certains aspects,
une avancée, mais néanmoins elle va garder un certain nombre de ses attributs
absolutistes classiques. La prééminence religieuse et politique du souverain
est reconduite dans cette nouvelle mouture[26]
légèrement tempérée par le renforcement du statut du chef de gouvernement,[27] de la
constitutionnalisation du conseil du gouvernement et la réhabilitation de la
chambre des représentants. L’avancée dont il est question ici ne touche pas aux
constantes du régime ou les traits fondamentaux qui le définissent en termes d’autoritarisme
(A. Azzouzi, p. 112). En d’autres termes, la réforme constitutionnelle entreprend un changement dans les modalités d’exercice
du pouvoir royal sans toucher à la nature du régime.
A- La fonction de
chef de gouvernement
Dans cette nouvelle constitution,
le chef du gouvernement est pleinement responsable du cabinet qu’il préside, de
l’administration publique et de la mise en œuvre de la politique
gouvernementale (art. 89). Selon l’article 47, le chef de gouvernement est
nommé par le roi, et le roi a l’obligation de le nommer du
parti politique arrivé en tête des élections des membres de la chambre
des représentants, et au vu de leurs résultats. Ce chef de gouvernement, selon
l’article 104, peut dissoudre la chambre des représentants, par décret pris en
conseil des ministres. Il a aussi le pouvoir de nommer aux emplois civils dans
les administrations publiques et hautes fonctions des établissements et
entreprises publics (art. 91). Il peut aussi à sa demande réunir le conseil des
ministres ou se voir, sur la base d’un ordre du jour déterminé, déléguer (par
le roi) la présidence d’une réunion du
même conseil (art. 48). Et selon l’article 92, le chef de gouvernement peut
délibérer avec ses collègues du gouvernement de la politique générale de l’Etat
avant sa présentation au conseil des ministres. Il délibère aussi sur les
politiques publiques, des politiques sectorielles, des projets de loi, des
décrets-lois, des conventions internationales, de la nomination des secrétaires
généraux.
B- Le parlement
Il est resté bicaméral[28] mais avec
une priorité accordée à la chambre des représentants. L’article 70 stipule que
Le Parlement exerce le pouvoir législatif. Il vote les lois[29], contrôle
l'action du gouvernement et évalue les politiques publiques.
Ainsi, seule la chambre basse peut
mettre en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de
censure (art. 105). La chambre des conseillers, selon l’article 106, peut
interpeller le gouvernement par le moyen d’une motion d’interpellation signée
par le cinquième au moins de ses membres et votée par la majorité absolue.
Cette motion d’interpellation n’entraine pas la chute du gouvernement, elle
l’oblige seulement à répondre. Cette réponse est suivie d’un débat sans vote.
Le rôle législatif
du parlement s’élargit [30].
L’article 78 stipule que les projets de loi sont déposés en priorité sur le
bureau de la Chambre des Représentants. Toutefois, les projets de loi relatifs
notamment aux Collectivités territoriales, au développement régional et aux
affaires sociales sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des
Conseillers. Et selon l’article 84 : « Tout projet
ou proposition de loi est examiné successivement par les deux Chambres du
Parlement pour parvenir à l'adoption d'un texte identique ».
Et selon le même article, « la Chambre des
Représentants délibère la première sur les projets de loi et sur les
propositions de loi initiés par ses membres, la Chambre des Conseillers
délibère en premier sur les propositions de loi initiées par ses membres. Une
Chambre saisie d'un texte voté par l'autre Chambre, délibère sur le texte tel
qu'il lui a été transmis. La Chambre des Représentants adopte en dernier
ressort le texte examiné. Le vote ne peut avoir lieu qu'à la
majorité absolue des membres présents, lorsqu'il s'agit d'un texte concernant
les collectivités territoriales et les domaines afférents au développement
régional et aux affaires sociales ».
C- Question
de séparation des pouvoirs
Le régime
constitutionnel marocain est fondé sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que
sur la démocratie citoyenne et participative… (Titre I, art. 1). Mais cette
séparation bute sur les dispositions de l’article 42 (mentionné ci-dessous).
Et selon l’article
47, c’est le roi qui nomme le chef de gouvernement et les membres du
gouvernement. Le chef du gouvernement
propose une liste de candidats aux portefeuilles ministériels sans que le roi
soit obligé de s’y tenir. Il peut avoir des objections sur la liste proposée
par le chef de gouvernement. C’est aussi le roi qui préside le conseil des
ministres selon l’article 48.
Les
prérogatives du roi qui limitent ce principe de séparation des pouvoirs
s’étalent dans un certain nombre de textes. Ainsi, le Roi
promulgue la loi dans les trente jours qui suivent la transmission au
gouvernement de la loi définitivement adoptée (art. 50). Le Roi peut aussi
dissoudre, par dahir, les deux Chambres du Parlement ou l’une d’elles dans les
conditions prévues aux articles 96, 97 et 98 (art.51). L’article
52 stipule que le Roi peut
adresser des messages à la Nation et au Parlement. Les messages sont lus devant
l’une et l’autre Chambre et ne peuvent y faire l’objet d’aucun débat.
Quant à l’article 53, il
prévoit que le Roi est le
Chef Suprême des Forces Armées Royales. Il nomme aux emplois militaires et peut
déléguer ce droit. Le Roi préside le Conseil de sécurité[31] (art. 54) et peut
déléguer au Chef du Gouvernement la présidence d’une réunion du Conseil, sur la
base d’un ordre du jour déterminé. Le règlement intérieur du Conseil[32] fixe les règles de son
organisation et de son fonctionnement.
Sur le plan de
la diplomatie, le Roi accrédite les ambassadeurs auprès des puissances
étrangères et des organismes internationaux. Les ambassadeurs ou les
représentants des organismes internationaux sont accrédités auprès de Lui. Il
signe et ratifie les traités (art. 55).
Les pouvoir du Roi s’étendent au pouvoir judiciaire.
Ainsi, selon l’article 56, le
Roi préside le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. La nomination des magistrats est aussi de son
ressort. L’article 57 dispose que
le Roi approuve par dahir la nomination des magistrats par le Conseil Supérieur
du Pouvoir Judiciaire. Le Roi exerce aussi
le droit de grâce conformément aux dispositions de l’article 58. Quant à
la cour constitutionnelle, l’article 130 prévoit : La Cour Constitutionnelle est composée de douze membres nommés pour
un mandat de neuf ans non renouvelable. Six membres (sur douze) sont désignés
par le Roi. Le
même article prévoit la désignation du président de cette cour par le roi.
D- Cour
constitutionnelle
Dans cette constitution, une cour constitutionnelle
est instituée[33] (12
membres) conformément à l’article 129.
Et malgré sa composition qui privilégie le pouvoir du roi qui nomme six de ses
membres dont le Président, cette cour
est censée être impartiale du fait de la qualité des compétences qu’elle est
censée réunir ( ses membres sont choisis « parmi les personnalités
disposant d’une haute formation dans le domaine juridique et d’une compétence
judiciaire, doctrinale ou administrative, ayant exercé leur profession depuis
plus de quinze ans, et reconnues pour leur impartialité et leur probité »
dit l’article 130, al.4.
E- L’opposition
parlementaire
La Constitution garantit à
l’opposition parlementaire un statut lui conférant des droits à même de lui
permettre de s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail
parlementaire et à la vie politique. L’article 10 de la constitution stipule que l’opposition bénéficie des
garanties suivantes :
-
l’exercice du pouvoir aux plans local, régional et national, à
travers l’alternance démocratique, et dans le cadre des dispositions de la
présente Constitution.
Les groupes de l’opposition sont tenus d’apporter une
contribution active et constructive au travail parlementaire. Les modalités
d’exercice par les groupes de l’opposition des droits susvisés sont fixées,
selon le cas, par des lois organiques ou des lois ou encore, par le règlement
intérieur de chaque Chambre du parlement.
Les partis politiques sont-ils à la hauteur de
l’ambition des textes constitutionnels. Encore faut-il que la culture
politique ambiante autorise l’émergence
d’une classe politique émancipée du poids de la tradition et des pratiques
politiques figées.
F- Droits de l’homme et
Société civile
Dans le contexte des révolutions démocratiques
(arabes), la première des revendications des rues arabes portait sur la protection des
droits de l’homme qui furent bafoués pendant longtemps. C’est ainsi que la
constitution marocaine s’est orientée à proclamer la protection des droits et
libertés. Elle a prévu un certain nombre de mécanismes de recours pour les
citoyens. La société civile est corrélée avec cette tendance de protection des
droits de l’homme.
Ainsi l’article 23, dispose que : « nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi
ou condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi. La détention
arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus
grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères. Toute
personne détenue doit être informée immédiatement, d’une façon qui lui soit
compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de
garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance
juridique et de la possibilité de communication avec ses proches, conformément
à la loi. »
Et dans son al. 2, le même article
dispose : « La présomption
d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute personne
détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines.
Elle peut bénéficier de programmes de formation et de réinsertion. Est
proscrite toute incitation au racisme, à la haine et à la violence. Le
génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et toutes les
violations graves et systématiques des droits de l’Homme sont punis par la
loi. »
A ces droits fondamentaux, s’ajoutent des droits
économiques et sociaux qui sont
mentionnés dans la constitution (art. 31) et que l’Etat, les établissements
publics et les collectivités locales sont amenés à satisfaire. Ils portent sur
des droits [34] :
-
aux soins de santé,
- à la protection sociale, à la
couverture médicale et à la solidarité mutualiste ou organisée par
l’Etat,
-
à une éducation moderne, accessible et de qualité,
- à
l’éducation sur l’attachement à l’identité marocaine et aux constantes
nationales immuables,
- à la formation professionnelle et à
l’éducation physique et artistique,
- à un logement décent,
- au travail et à l’appui des pouvoirs
publics en matière de recherche d’emploi ou d’auto-emploi,
- à l’accès aux fonctions publiques selon
le mérite,
- à l’accès à l’eau et à un environnement
sain,
- au développement durable.
La constitution prévoit aussi la mise en place d’un
certain nombre de mécanismes de nature à renforcer la protection de ces droits.
Ainsi en est-il le cas de l’article 161
qui prévoit la mise en place d’un
Conseil national des droits de l’Homme. Ce dernier « est une institution nationale pluraliste et indépendante, chargée de connaître de toutes les questions
relatives à la défense et à la protection des droits de l’Homme et des
libertés, à la garantie de leur plein exercice et à leur promotion, ainsi qu’à
la préservation de la dignité, des droits et des libertés individuelles et
collectives des citoyennes et citoyens, et ce, dans le strict respect des
référentiels nationaux et universels en la matière. »
A cette institution constitutionnelle s’ajoute une autre qui va œuvrer dans le sens
de la protection des citoyens de l’abus et de déni de justice, à savoir
l’institution du médiateur. Cette dernière est, selon l’article 162, « est une institution nationale
indépendante et spécialisée qui a pour mission, dans le cadre des rapports
entre l’administration et les usagers, de défendre les droits, de contribuer à
renforcer la primauté de la loi et à diffuser les principes de justice et
d’équité, et les valeurs de moralisation et de transparence dans la gestion des
administrations, des établissements publics, des collectivités territoriales et
des organismes dotés de prérogatives de la puissance publique ».
Dans ce sens aussi, il est à souligner le rôle dévolu
à la Cour constitutionnelle en matière de protection des droits, car l’article
133 stipule «La Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître d’une
exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un procès, lorsqu’il est
soutenu par l’une des parties que la loi dont dépend l’issue du litige, porte
atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution [35].»
Il faudrait souligner aussi que la protection des
droits de l’homme est tributaire du fonctionnement de la justice. Celle-ci
connait toutefois un quasi chaos
indescriptible. C’est pourquoi sa réforme devient une urgence nationale. C’est
pourquoi aussi la constitution prévoit, dans son article 107, l’autonomie du
pouvoir judiciaire. Elle ajoute, dans son article 109 : « Est proscrite toute intervention dans les
affaires soumises à la justice. Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait
recevoir d’injonction ou instruction, ni être soumis à une quelconque pression.
Chaque fois qu’il estime que son indépendance est menacée, le juge doit en
saisir le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.
Tout manquement de la part du juge à
ses devoirs d’indépendance et d’impartialité, constitue une faute
professionnelle grave….
La loi sanctionne toute personne qui
tente d’influencer le juge de manière illicite. »
Quant au chapitre de l’élargissement de la participation
des citoyens aux affaires (qui relève aussi indirectement du volet des droits
de l’homme), la constitution prévoit dans son article 14 que « les citoyennes et les citoyens disposent,
dans les conditions et les modalités fixées par une loi organique, du droit de
présenter des propositions en matière législative. Un ou plusieurs groupes de
la Chambre parlementaire concernée peut parrainer ces motions et les traduire
en propositions de loi, ou interpeller le gouvernement dans le cadre des prérogatives
conférées au Parlement ». Et, dans son article 15, elle ajoute que
« Les citoyennes et les citoyens
disposent du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics. Une loi
organique détermine les conditions et les modalités d’exercice de ce droit ».
Ce qui est envisagé dans cette nouvelle orientation constitutionnelle,
c’est d’associer l’opinion publique, comme force de proposition, à la décision.
Mais les lois organiques liées à l’organisation de ce
droit de pétitions, après avoir trop tardé à arriver, mettent un tas de
conditions qui vident le texte constitutionnel de sa vigueur.
G-La régionalisation
élargie
Aussi, dans la constitution de 2011, est-elle instituée une régionalisation
élargie (Titre IX). L’article 135 en
fait ainsi une nouvelle option de la démocratie locale lorsqu’il
prévoit : « Les
collectivités territoriales du Royaume sont les régions, les préfectures, les
provinces et les communes. Elles constituent des personnes morales de droit
public et gèrent démocratiquement leurs affaires. Les Conseils des régions et
des communes sont élus au suffrage universel direct… ». L’objectif
déclaré de cette régionalisation est de faire impliquer le citoyen dans la
gestion et le développement locaux. Ce faisant, l’article 131 dispose que : « l’organisation
territoriale du Royaume repose sur les principes de libre administration, de
coopération et de solidarité. Elle assure la participation des populations
concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au
développement humain intégré et durable[36] ».
Par ailleurs jusqu’à aujourd’hui, le transfert des
compétences de l’Etat aux régions est toujours en attente.
Bibliographie :
-
Ph. Lauvaux, Les grandes démocraties contemporaines,
éd. PUF, 1998
-
Y. Mény, Le système politique français, éd.
Monchrestien, 1993
-
J.J. Chevalier, Histoire des institutions et des
régimes politiques de la France moderne, éd. Dalloz, 1985
-
J. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions
politiques, éd. Monchrestien, 2005
-
J.L. Quermone, les régimes politiques occidentaux, éd.
du seuil, 2006
-
Maurice Flory et autres, Les régimes politiques
arabes, éd. Puf, 1992
-
A. Menouni,
Institutions politiques et droit constitutionnel, Toubkal, 1991
[1] L’objet
d’une constitution digne de ce nom est de soumettre l’Etat au droit (Gicquel).
[2] Un traité de commerce
entre la Grande-Bretagne et le Maroc ouvrit le Maroc aux produits européens.
[3] Des banques françaises,
espagnoles et anglaises se chargèrent de prêter au Maroc à des taux d’intérêt
très élevés.
[4] La différence
entre pays colonisé et pays protégé (colonisation et protectorat) renvoie
à deux formes de colonisation et de dépendance : la destruction des
institutions locales et leur survie.
[5] Conformément au Traité de
Fès, le Sultan reconnait à la France l’exercice de pouvoirs de réforme de
l’organisation politico-administrative, de maintien de l’ordre et de
représentation externe. La France s’engage à sauvegarder la situation
religieuse, le respect et le prestige traditionnel du sultan, l’exercice de la
religion musulmane et des institutions religieuses et notamment celle des
habous. Elle s’engage aussi à organiser le Makhzen chérifien réformé et à
prêter un constant appui à Sa Majesté chérifienne contre tout danger qui
menacerait sa personne ou son trône ou qui compromettrait la sécurité de ses
Etats ou de l’héritier du trône ou ses successeurs.
[6] L’article 4 du traité de
protectorat autorise le sultan à déléguer aux autorités résidentielles le
pouvoir législatif et par la suite à déléguer tous les pouvoirs.
[7] Texte
législatif portant le sceau du sultan soustrayant les tribus dites de coutumes
berbères du champ d’application du chrâa (le statut personnel musulman).
[8] Le projet politique
nationaliste avait pour contours idéologique un retour aux sources réputées
intangibles de la tradition. Son attitude vis-à-vis de l’institution sultanale
s’inscrivait dans la même perspective. Ce faisant ce projet prônait une adhésion au statut du sultan comme représentant de la
communauté.
[9] En filigrane, le projet
met l’accent sur la dimension contractuel du sultan au détriment de sa
dimension surnaturelle.
[10] L’ambigüité
de l’Istiqlal et son quasi-monopole
seront battus en brèche dans les années 1950 lorsque, au moment de
l’arrestation des principaux dirigeants du parti et la déposition du Sultan (1953) par le gouvernement français,
le mouvement prend plus d’envergure en dehors de la structure initiale :
émergence d’une centrale syndicale ouvrière marocaine (UMT), développement de
l’action armée dans les villes. Une
armée de libération (ALN) se met en place et conteste la représentativité de
l’Istiqlal. Malgré ces dissensions au sein du Mouvement, le sultan va servir de
catalyseur de la résistance.
[11] L’indépendance
du Maroc fut proclamée le 22 mars 1956 et la première constitution a vu le jour
le 14 décembre 1962. Pendant cette transition de 6 ans un certain nombre de
textes furent adoptés et des mesures prises : institution d’un conseil
national consultatif, le 3 août 1956 ; Charte des libertés publiques du 15
novembre 1958 ; élections communales du 29 mai 1960. Le Conseil consultatif était composé des
représentants (76 membres), nommés par le roi pour deux ans renouvelables, des partis politiques
et des milieux socioprofessionnels. Sa fonction était consultative : il
pouvait formuler des avis sur des problèmes d’ordre politique, économique et
social que le Roi estimait nécessaires de lui soumettre. Il était également
habilité à interroger les ministres, à la faveur des questions orales et
écrites auxquelles ils devaient répondre. Les activités de ce CC n’ont duré que 2 ans.
[12] Le
Maroc se déclare indépendant du Khalifat de Bagdad en 1145. C’est à partir de
cette date que le chef de la communauté marocaine porte le titre d’Amir al
Mouminine (commandeur des croyants).
[13] Le
texte constitutionnel remplace le dahir par décret.
[14] La dynastie alaouite fut
établie au XVIIème siècle.
[15] Le sultan était choisi par
les oulémas et les populations par le procédé de la Ba’ya. L’accession héréditaire au trône n’était pas
admise dans le régime politique marocain traditionnel.
[16] Cette constitution a recueilli
97,86% de suffrages favorables.
[17]
Le Roi, « Amir Al Mouminine » (commandeur des croyants), symbole de l'unité de
la nation, garant de la pérennité et de la continuité de l'État, veille au
respect de l'Islam et de la Constitution. Il est le protecteur des droits et
libertés des citoyens, groupes sociaux et collectivités.
[18] Article
22.Le Roi dispose d'une liste civile.
Article 23. La personne du
Roi est inviolable et sacrée. Article
24.Le Roi nomme le premier ministre et les ministres. Il met fin à leurs
fonctions, soit à son initiative, soit du fait de leur démission individuelle
ou collective. Article 25.Le Roi préside
le Conseil des ministres. Article 26.Le Roi promulgue la loi. Il peut
la soumettre à référendum ou à une nouvelle lecture dans les conditions prévues
au titre V. Article 27. Le Roi peut dissoudre la Chambre
des représentants par décret royal dans les conditions prévues au titre V, articles 77 et 79.
Article 28. Le Roi peut
adresser des messages au Parlement et à la nation. Le contenu des messages ne
peut faire l'objet de débats parlementaires.
Article 29. Le Roi exerce
le pouvoir réglementaire dans les domaines qui lui sont expressément réservés
par la Constitution. Les décrets royaux sont contresignés par le premier
ministre, sauf ceux prévus aux articles
24, 35, 72, 77, 84, 91, 101. Article 30. Le Roi est le chef suprême des
forces armées royales. Il nomme aux emplois civils et militaires et peut
déléguer ce droit. Article 31. Le Roi accrédite les
ambassadeurs auprès des puissances étrangères et des organismes internationaux.
Les ambassadeurs ou les représentants des organismes internationaux sont
accrédités auprès de lui. Il signe et ratifie les traités. Toutefois, les
traités engageant les finances de l'État, ne peuvent être ratifiés sans
l'approbation préalable du Parlement. Les traités, susceptibles de remettre en
cause les dispositions de la Constitution, sont approuvés selon les procédures
prévues pour la réforme de la Constitution. Article 32.Le Roi préside le Conseil
supérieur de la promotion nationale et du plan. Article 33. Le Roi préside le Conseil
supérieur de la magistrature et nomme les magistrats dans les conditions
prévues à l'article 84. Article 34. Le Roi exerce le droit de
grâce. Article 35.Lorsque l'intégrité du
territoire national est menacée, ou que se produisent des événements
susceptibles de mettre en cause le fonctionnement des institutions
constitutionnelles, le Roi peut, après avoir consulté les présidents des deux
Chambres et adressé un message à la nation, proclamer, par décret royal, l'état
d'exception. De ce fait, il est habilité, nonobstant toutes dispositions
contraires, à prendre les mesures qu'imposent la défense de l'intégrité
territoriale et le retour au fonctionnement normal des institutions
constitutionnelles. Il est mis fin à l'état d'exception dans les mêmes formes
que sa proclamation.
[19] Lors de ces élections, le
FDIC recueille 69 sièges ;
PI : 11 ; UNFP 28 sièges, les sans étiquettes 6 sièges. La Chambre
est formée de 144 membres.
[20] Cette constitution réaffirme la suprématie du roi sur toutes les institutions
et lui donne un pouvoir de contrôle général sur tous les rouages de l’Etat. La
constitution précise les modalités de ce contrôle général et les moyens de sa
réalisation par rapport à chacun des pouvoirs publics, y compris le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif (voir O. Bendourou, Droit constitutionnel et
institutions politiques, 2011).
[21] L’article
79 de la constitution prévoit :
‘’Le Conseil
constitutionnel exerce les attributions qui lui sont dévolues par les articles
de la Constitution ou par des dispositions de lois organiques. Il statue, par
ailleurs, sur la régularité de l'élection des membres de la Chambre des
représentants et des opérations de référendum. En outre, les lois
organiques avant leur promulgation, et le règlement de la Chambre des
représentants, avant sa mise en application, doivent être soumis au Conseil
constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la Constitution. Aux
mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel avant leur
promulgation, par le Roi, le Premier ministre, le président de la Chambre des
représentants ou le quart des membres composant cette dernière’’.
[22] Le
domaine de la loi a été élargi. Le
parlement est désormais compétent pour organiser la liberté d’entreprendre qui
devient, aux termes de l’article 15 de la constitution, une liberté
constitutionnelle. Font partie aussi des compétences du parlement
l’organisation de la Cour des comptes et les cours régionales (art.99), les
conditions dans lesquelles le gouverneur exécute les délibérations des
assemblées provinciales, préfectorales et régionales (art.101).
[23] La chambre des conseillers
est constituée des 3/5 des membres élus dans chaque région par les
représentants des collectivités locales et des 2/5 des membres élus par les
chambres professionnelles régionales et par des membres élus sur le plan
national par un collège composé des représentants des salariés. Leur mandat est
d’une durée de neuf ans renouvelable par tiers tous les trois ans. Le premier
et le deuxième renouvellement se font par tirage au sort. Le nombre des
représentants et des conseillers ainsi que leur mode d’élection sont déterminés
par une loi organique.
[24] Une
commission nationale de suivi des élections a été établie par le dahir du 1er
mai 1997. Elle comprend le ministre de l’intérieur, le ministre de la justice,
le secrétaire général du gouvernement, les représentants des onze partis
politiques ayant signé la déclaration du 28 février 1997(partis du Wifaq et de
la Koutla et du RNI, le MNP, le PSD, le FFD et le MSD). Cette commission est
présidée par le premier président de la Cour suprême.
[25] L’opposition
(la Koutla) se montre attentive aux garanties de Hassan II et adopte une
posture de flexibilité par rapport à cette offre, bien qu’un malentendu
persiste sur la teneur des réformes constitutionnelles à entreprendre. Ainsi
une majorité plurielle (USFP, PI, RNI, MNP, FFD, PPS, MNP, PSD) formera le
gouvernement de transition (vers la démocratie) présidée par A. Youssoufi.
Cette nouvelle option de gouvernement demeure toutefois plombée par l’existence
des ministères de souveraineté, outre son hétérogénéité intrinsèque.
Après la mort de Hassan II, Youssoufi sera reconduit à
la tête d’un nouveau gouvernement (le premier remanié) : gouvernement de
Yousoufi II en 2000. Les mêmes procédures de nomination des ministres ont été
reconduites aussi. La marge de manœuvre du premier ministre, sur ce plan,
demeure toujours marginale. Le Palais continue à avoir la mainmise sur le cours
de la vie politique, car la constitution de 1996 n’apporte pas de changement au
fond du système politique. Les directives royales guident toujours le
gouvernement d’autant plus que l’article 66 de la constitution stipule que le
conseil des ministres est saisi préalablement des questions concernant la
politique générale de l’Etat. Les élections législatives de 2002 vont voir le
retour à la primature d’un ministre sans étiquette politique (D. Jettou).
Les élections législatives du 27 septembre 2002 ont
donné des résultats que l’opposition admet.
Une coalition va constituer le gouvernement (avec une majorité de 195
sièges au parlement) : USFP, PI, PPS, RNI, MNP (41 ministres) avec des
ministères de souveraineté. Cette coalition aura un programme gouvernemental
inspiré du discours royal prononcé à l’ouverture de la législature du 11
octobre 2002 et dont les priorités sont : l’emploi productif, le
développement économique, l’enseignement utile et le logement décent.
Les législatives de 2007 va voir la participation de
36 partis politiques. Les sans appartenances politiques ont aussi participé à
ces élections avec treize listes. Les résultats donnent encore un paysage
politique éclaté.
A l’issue de
ces élections un gouvernement, dont la présidence est confiée à Abbas El
Fassi, sera formé. Ce sera encore une
fois un gouvernement de coalition. Il reconduit tous les partis de l’ancien
gouvernement à l’exception du MP (33 ministres). En aout 2009, le MP intègre le
gouvernement El Fassi. Une prolongation qui éternise la transition politique et finit
par la décrédibiliser. La culture de l’autoritarisme s’avère résistante au
changement et au renouvellement des
générations.
Cet ordre politique ankylosé sera ouvertement
critiqué. L’avènement du printemps démocratique relancera chez certaines
franges de la société marocaine, notamment la jeunesse, l’idée de réforme.
Seulement les réflexes ancestraux du Makhzen font qu’une ouverture incontrôlée
du système est inadmissible. Il déploiera tous les artifices
juridiques pour que toute réforme constitutionnelle s’inscrive dans la lignée dynastique et
religieuse de ses prédécesseurs pour consolider son autorité.
[26] Selon l’article 42 de la
constitution du premier juillet 2011, le roi est « chef d’Etat, son
représentant suprême, symbole de l’unité de la nation, garant de la pérennité
et de la continuité de l’Etat et arbitre suprême entre ses institutions, veille
au respect de la constitution, au bon fonctionnement des institutions
constitutionnelles… Il est garant de l’indépendance du royaume et de son
intégrité territoriale ». Et, selon l’article 41, « le roi est Amir
Al Mouminine : commandeur des croyants ». Le roi préside le conseil
des ministres (art. 48). C’est dans ce conseil que sont examinées les
orientations stratégiques de la politique de l’Etat, les projets de révision de
la constitution… les orientations générales du projet de loi de finances, la
nomination, sur proposition du chef de gouvernement et à l’initiative du
ministre concerné, aux empois civils de Wali de Bank el Maghreb, d’ambassadeurs,
de walis et de gouverneurs et des responsables des établissements et
entreprises publics stratégiques (art
49). Le roi, selon l’article 59, proclame l’Etat d’exception. C’est son domaine
exclusif lorsqu’il juge que
« l’intégrité du territoire national est menacée et que se
produisent des événements qui entravent le fonctionnement régulier des
institutions constitutionnelles… ». Le roi peut aussi être l’initiateur
d’une révision constitutionnelle : « Le roi peut soumettre directement
au référendum le projet de révision dont il prend l’initiative (art. 172). Et, en vertu de l’article 174, le roi
peut, après avoir consulté le président de la cour constitutionnelle, soumettre
par dahir au parlement un projet de révision de certaines dispositions de la
constitution. Et selon l’article 53, le roi est chef suprême des forces armées
et nomme aux emplois militaires. Il préside le conseil supérieur de sécurité
(art. 54) et préside aussi le conseil supérieur du pouvoir judiciaire (art.
56). L’article 26 donne au roi le
pouvoir de dissoudre le parlement…
[27] Sous l’autorité du chef de
gouvernement (art. 89), le gouvernement met en œuvre son programme
gouvernemental, assure l’exécution des
lois, dispose de l’administration, et supervise les établissements et les
entreprises publics et en assure la tutelle.
[28] Selon l’article
60 : « La Chambre des Conseillers comprend au minimum 90 membres
et au maximum 120, élus au suffrage universel indirect pour six ans.
[29] Selon l’article
70 : « Une loi d'habilitation peut autoriser le gouvernement,
pendant un délai limité et en vue d'un objectif déterminé, à prendre par
décrets des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les décrets entrent en
vigueur dès leur publication, mais ils doivent être soumis, au terme du délai
fixé par la loi d'habilitation, à la ratification du Parlement. La loi
d'habilitation devient caduque en cas de dissolution des deux Chambres du
Parlement ou de l'une d'entre elles. »
[31] Il est créé
un Conseil Supérieur de Sécurité, en tant qu’instance de concertation sur les
stratégies de sécurité intérieure et extérieure du pays, et de gestion des
situations de crise, qui veille également à l’institutionnalisation des normes
d’une bonne gouvernance sécuritaire.
[32] Le Conseil Supérieur de Sécurité comprend, outre le
Chef du Gouvernement, le président de la Chambre des Représentants, le
président de la Chambre des Conseillers, le président-délégué du Conseil
Supérieur du pouvoir Judiciaire et les ministres chargés de l’Intérieur, des
Affaires étrangères, de la Justice et de l’administration de la Défense
nationale, ainsi que les responsables des administrations compétentes en
matière sécuritaire, des officiers supérieurs des Forces Armées Royales et
toute autre personnalité dont la présence est utile aux travaux dudit Conseil.
[33] Une loi organique détermine les règles d’organisation
et de fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, ainsi que la procédure qui
est suivie devant elle et la situation de ses membres (art. 131 de la
constitution).
[34] L’article 27
prévoit aussi que : « les citoyennes et les citoyens ont le droit
d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions
élues et les organismes investis d’une mission de service public. Le droit à
l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la
protection de tout ce qui concerne la défense nationale, la sûreté intérieure
et extérieure de l’Etat, ainsi que la vie privée des personnes, de prévenir
l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de
protéger des sources et des domaines expressément déterminés par la loi .»
[35] Une loi organique fixe les conditions
et modalités d’application du présent article.
[36] Selon l’article 139, des mécanismes participatifs de dialogue et de
concertation sont mis en place par les Conseils des régions et les Conseils des
autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyennes
et des citoyens, et des associations dans l’élaboration et le suivi des
programmes de développement. Les citoyennes et les citoyens et les associations
peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l’inscription à l’ordre
du jour du Conseil, d’une question relevant de sa compétence. L’article 140
dispose que : « sur la base du principe de subsidiarité, les
collectivités territoriales ont des compétences propres, des compétences
partagées avec l’Etat et celles qui leur sont transférables par ce dernier. Les
régions et les autres collectivités territoriales disposent, dans leurs
domaines de compétence respectifs et dans leur sort territorial, d’un pouvoir
réglementaire pour l’exercice de leurs attributions ».