Droit International Public
Manuel des traités
Établi par la Section des traités
du Bureau des affaires juridiques
Nations Unies
2. DÉPÔT
DES TRAITÉS MULTILATÉRAUX
(Voir le Précis de la pratique, par. 9 à 37)
2.1
Le Secrétaire général en tant
que dépositaire
Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies est, à ce jour, le dépositaire de plus de 550 traités multilatéraux. Il assume cette fonction en vertu de:
a)
L'Article 98 de la Charte des Nations Unies;
b)
Les dispositions des traités eux-mêmes;
c)
La résolution 24 (1) de l'Assemblée générale, en
date du 12 février 1946; et
d) La résolution de la Société des Nations du 18 avril 1946.
2.2
Fonctions dépositaires du
Secrétaire général
Le dépositaire
d'un traité est chargé de veiller à la bonne exécution de toutes les actions en
rapport au traité en question. Le dépositaire doit agir de manière impartiale
dans le cadre de ses fonctions, à caractère international par nature.
Dans le cadre de ses fonctions dépositaires, le
Secrétaire général s'appuie sur: a) Les
dispositions du traité concerné;
b)
Les résolutions de l'Assemblée générale et des
autres organes des
Nations Unies;
c)
Le droit international, y compris le droit
international coutumier.
En pratique,
c'est la Section de traités du Bureau des affaires juridiques de l'Organisation
des Nations Unies qui s'acquitte des fonctions dépositaires au nom du
Secrétaire général.
2.3
Désignation du dépositaire
(Voir section 6.5, pour les démarches à accomplir auprès de la Section des
traités en vue de déposer un traité multilatéral auprès du Secrétaire
général.)
Les États qui
négocient un traité multilatéral doivent en désigner le dépositaire, que ce
soit dans le texte du traité en question ou par une autre voie, par exemple par
une décision séparée. Lorsqu'un traité est adopté dans le cadre de
l'Organisation des Nations Unies ou lors d'une conférence organisée sous
l'égide de l'Organisation, il comporte normalement une disposition qui désigne le
Secrétaire général comme dépositaire. Quant aux traités multilatéraux qui ne
sont pas adoptés dans le cadre d'une organisation internationale ou lors d'une
conférence tenue sous les auspices d'une organisation internationale, ils sont
généralement déposés auprès de l'État qui a accueilli les négociations.
Lorsqu'un traité
n'est pas adopté dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies ou lors
d'une conférence organisée sous l'égide de l'Organisation, les États qui le
négocient doivent consulter le Secrétaire général avant de désigner celui-ci
comme dépositaire du traité. Étant donné la nature de son rôle, le Secrétaire
général examine cette demande avec grande attention. En général, le Secrétaire
général n'assume de fonctions dépositaires que pour:
2.
DÉPÔT DES TRAITÉS MULTILATÉRAUX
a)
Les traités multilatéraux d'intérêt mondial qui
ont été adoptés par l'Assemblée générale ou conclus lors de conférences de
plénipotentiaires organisées par les organes compétents des Nations Unies et
qui sont largement ouverts à la participation;
b)
Les traités régionaux qui ont été adoptés dans le
cadre des commissions régionales des Nations Unies et qui sont ouverts à la
participation de tous les membres des commissions en question.
Les clauses
finales d'un traité revêtent une importance fondamentale pour le dépositaire
d'un traité et lui permettent de s'acquitter comme il se doit de ses fonctions.
Le dépositaire doit donc être consulté lors de la rédaction des clauses
finales. Si les clauses finales ne sont pas suffisamment claires, cela peut
entraîner des difficultés d'interprétation et d'application du traité, tant
pour les États parties que pour le dépositaire. Il est important de noter que,
le 28 août 2001, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a
promulgué une circulaire intitulée « Procédures que doivent appliquer les
départements, bureaux et commissions régionales de l'Organisation des Nations
Unies en ce qui concerne les traités et accords internationaux » (voir
ST/SGB/2001/7 du 28 août 2001, annexe 11). À la section 4.2 de cette
circulaire, le Secrétaire général déclare expressément que le projet de clauses
finales des traités multilatéraux déposés auprès de lui doit être soumis par
les départements, bureaux ou commissions régionales compétents à la Section des
traités pour examen et observations avant sa mise au point définitive.
3. PARTICIPATION AUX TRAITÉS MULTILATÉRAUX[1]
3.1 Signature
3.1.1 Introduction
(Voir la section 6.2 pour les démarches à accomplir auprès de la Section des traités en vue de signer un traité multilatéral.)
En général, la première démarche à accomplir pour participer à un traité est de le signer. Comme expliqué ci-après, à moins que le traité n'en dispose autrement, un signataire ne devient pas partie au traité par sa seule signature. Les traités multilatéraux contiennent des dispositions relatives à la signature, qui prévoient notamment le lieu de la signature, la date d'ouverture du traité à la signature et la période pendant laquelle le traité peut être signé.
3..2 Ouverture à la signature
(Voir le Précis de la pratique, par. 116 à 119.)
Les traités multilatéraux disposent souvent que la signature n'est ouverte que jusqu'à une date donnée, après laquelle elle n'est plus possible. Certains traités multilatéraux sont ouverts à la signature sine die. C'est le cas de la plupart des traités relatifs aux droits de l'homme, par exemple le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966; la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; et la Convention de 2006 relative aux droits des personnes handicapées.
De nos jours, les traités multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies sont généralement ouverts à la signature de tous les États. Cependant, certains traités multilatéraux limitent la participation, pour des raisons qui leur sont propres. Par exemple:
● L'article 2 de l’Accord concernant l'établissement de règlements techniques mondiaux applicables aux véhicules à roues, ainsi qu'aux équipements et pièces qui peuvent être montés et/ou utilisés sur les véhicules à roues, 1998, limite la participation « aux pays membres de la Commission économique pour l'Europe (ONU/CEE), aux organisations d'intégration économique régionales créées par les pays membres de la CEE et aux pays qui sont admis à la CEE à titre consultatif ».
3.1.3 Signature simple
Les traités multilatéraux prévoient habituellement que les signatures, également alors appelées « signatures simples », se font sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation. L'État signataire ne s'engage donc pas véritablement d'un point de vue juridique au moment de la signature du traité. Cependant, par sa signature, l'État indique son intention de prendre les mesures requises afin d'exprimer son consentement à être lié par le traité à une date ultérieure. La signature d'un traité entraîne aussi pour un État l'obligation, entre le moment de la signature et celui de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation, de s'abstenir en bonne foi d'actes qui priveraient le traité de son objet et de son but (voir article 18 de la Convention de Vienne de 1969).
Voir, par exemple, l'article 125 (2) du Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998: « Le présent Statut est soumis à ratification, acceptation ou approbation par les États signataires… »
3.1.4 Signature définitive
Certains traités disposent que la signature peut suffire seule à exprimer le consentement de l'État à être juridiquement lié par le traité en question. Cette méthode est le plus souvent utilisée pour les traités bilatéraux et on n'y a que rarement recours pour les traités multilatéraux. Le cas échéant, il est expressément stipulé dans la disposition relative à l'entrée en vigueur du traité qu'un État peut exprimer son consentement à être lié par le traité en le signant définitivement, c'est-à-dire en le signant sans réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation.
En ce qui concerne les traités déposés auprès du Secrétaire général, cette méthode est souvent adoptée pour les traités dont les termes sont négociés sous les auspices des commissions économiques régionales. Par exemple, l'article 4 (3) de l’Accord concernant l'adoption de conditions uniformes applicables au contrôle technique périodique des véhicules à roues et la reconnaissance réciproque des contrôles, 1997:
En vertu des
paragraphes 1 et 2 du présent article, un État peut devenir partie à
l'Accord: a) Par signature, sans réserve de ratification;
b)
Par ratification, après une signature sous réserve de ratification;
c) Par adhésion.
De même, l'Accord sur un réseau ferroviaire international dans le Mashreq arabe de 2003 dispose, en son article 5 (2), que les membres visés au paragraphe 1 de l'article 4 peuvent devenir parties à l'Accord:
a)
En le signant sans réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation
(signature définitive);
b)
En le signant sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation,
puis en le ratifiant, en l'acceptant ou en l'approuvant; ou
c) En y adhérant.
3.2 Pleins
pouvoirs
(Voir le Précis de la pratique, par. 101 à 115.)
3.2.1 Signature d’un traité sans production de
pleins pouvoirs
(Voir section
6.2 pour les démarches à accomplir auprès de la Section des traités afin de
signer un traité.)
Le chef d'État, le chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères peut signer un traité au nom de l'État sans avoir à produire de pleins pouvoirs.
3.2.2 Actes pour lesquels des pleins pouvoirs sont
requis
Une autre personne que le chef d'État, le chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères peut signer un traité à condition d'être muni de pleins pouvoirs. Les pleins pouvoirs autorisent le représentant qui les a reçus à signer un traité donné. Il s'agit d'une condition juridique consacrée à l'article 7 de la Convention de Vienne de 1969. Elle a pour but de protéger les intérêts de tous les États parties à un traité, ainsi que l'intégrité du dépositaire. Généralement, les pleins pouvoirs sont donnés pour la signature d'un traité donné, mais ils peuvent aussi être donnés à un représentant spécifique pour signer plus d'un traité.
Certains pays ont déposé des pleins pouvoirs généraux auprès du Secrétaire général. Les pleins pouvoirs généraux, au lieu d'identifier un traité particulier, autorisent le représentant à signer tous les traités déposés auprès du Secrétaire général.
3.2.3 Forme des pleins pouvoirs
(Voir le modèle de pleins pouvoirs à l'annexe 3.)
En sa qualité de dépositaire, le Secrétaire général exige que la personne (autre que le chef d'État, le chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères) qui a l'intention de signer un traité produise des pleins pouvoirs appropriés. La signature d'un traité en l'absence de pleins pouvoirs en bonne et due forme n'est pas recevable. Des pleins pouvoirs qui ne comportent pas une signature lisible de l'une des autorités compétentes (par exemple les messages envoyés par télex) ne sont pas recevables non plus.
Les pleins pouvoirs ne doivent pas revêtir une forme particulière, mais:
1. Les pleins pouvoirs doivent être signés par l’une des trois autorités qualifiées et doivent autoriser sans ambiguïté une personne désignée à signer le traité. Les pleins pouvoirs peuvent également être reçus d'une personne exerçant par intérim les fonctions de l'une des trois autorités susvisées, pourvu que l'instrument en porte une mention claire.
2. Les pleins pouvoirs ne sont généralement accordés que pour un traité donné et doivent donc préciser le titre du traité en question. S'il n'a pas encore été convenu du titre, les pleins pouvoirs doivent préciser le sujet et le nom de la conférence ou de l'organisation internationale qui accueille les négociations.
3. Les pleins pouvoirs doivent indiquer le nom et le titre complets du représentant autorisé à signer. Les pleins pouvoirs sont nominatifs et ne peuvent être transférés au « représentant permanent… ». Étant donné le caractère individuel des pleins pouvoirs, il est prudent de nommer au moins deux représentants, au cas où l'un d'entre eux, en raison de circonstances imprévues, ne pourrait remplir l'acte pour lequel il a reçu les pleins pouvoirs.
4. La date et le lieu de la signature doivent être indiqués.
5. Le sceau officiel est facultatif et ne remplace pas la signature de l'une des trois autorités représentant l'État.
[Voir note verbale du Conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies datée du 3 février 2010, LA 41 TR/221/Directives relatives aux pleins pouvoirs/2010 (annexe 1)]
Exemple d'instrument conférant les pleins pouvoirs:
Nous avons l'honneur de vous informer que nous (nom), Président de la République de (nom de l'État), avons donné les pleins pouvoirs à Mme (nom), Secrétaire d'État à l'intérieur et aux affaires religieuses, pour signer au nom de (nom de l'État) la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les deux protocoles suivants, qui doivent être ouverts à la signature à Palerme, en Italie, du 12 au 15 décembre 2000:
i) Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.
ii) Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Par la
présente, Mme (nom de famille) reçoit les pleins pouvoirs pour signer la
Convention et les Protocoles susmentionnés.
(Nom de famille), Président de la République de (nom de l'État) [Signature]
Les pleins pouvoirs diffèrent, d'un point de vue juridique, des pouvoirs qui permettent aux représentants d'un État de participer à une conférence et d'en signer l'Acte final.
3.2.4. Rendez-vous avec le dépositaire pour la signature
(Voir section 6.2 pour les démarches à accomplir auprès de la Section des traités pour signer un traité multilatéral et soumettre un instrument conférant les pleins pouvoirs.)
En tant que gardien du traité, le dépositaire vérifie tous les pleins pouvoirs avant la signature. Lorsque le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies est le dépositaire, l'État qui a l'intention de signer un traité doit prendre rendez-vous pour la signature avec la Section des traités et lui soumettre une copie de l'instrument de pleins pouvoirs pour vérification, dans un délai suffisant avant la signature (les télécopies et courriers électroniques sont acceptables à cette fin). Le représentant habilité à signer au nom de son gouvernement doit normalement présenter l'original de l'instrument lui conférant les pleins pouvoirs au moment de la signature. Toutefois, selon la pratique dépositaire, la signature d'un représentant peut être acceptée moyennant présentation d'une copie de l'instrument lui conférant les pleins pouvoirs à condition que celui-ci soit en bonne et due forme, mais il faut que l'État concerné fasse parvenir le plus tôt possible à la Section des traités (par remise manuelle ou par courrier) l'original des pleins pouvoirs.
3.3. Consentement à être lié
(Voir le Précis de la pratique, par. 120 à 143.)
3.3.1 Introduction
(Voir section 6.3 pour les démarches à accomplir auprès de la Section des traités en vue de déposer un instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion à un traité.)
Pour devenir partie à un traité multilatéral, un État doit démontrer, à travers des mesures concrètes, son intention de respecter les droits et les devoirs créés par ce traité. En d'autres termes, il doit exprimer son consentement à être lié par le traité. Un État peut exprimer son consentement à être lié de différentes manières, conformément aux clauses finales du traité en question. Les voies les plus fréquemment utilisées sont les suivantes:
a)
La signature définitive (voir section 3.1.4);
b)
La ratification;
c)
L'acceptation ou
l'approbation; et
d) L'adhésion.
L'acte par lequel un État exprime son consentement à être lié par un traité et l'entrée en vigueur du traité sont deux choses différentes (voir section 4.2). Le consentement à être lié est l'acte par lequel un État démontre son intention de respecter les droits et devoirs créés par le traité sur un plan juridique, à travers la signature définitive ou le dépôt d'un instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion. L'entrée en vigueur d'un traité correspond au moment où le traité en question devient juridiquement contraignant pour l'État, c'est-à-dire le moment où cet État devient partie au traité. Normalement, chaque traité contient des dispositions spécifiques sur ces deux aspects.
3.3.2 Ratification
(Voir le modèle d'instrument de ratification à l'annexe 4.)
La plupart des traités multilatéraux disposent que les États expriment leur consentement à être liés par signature sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation.
La signature sous réserve de ratification donne aux États le temps d'obtenir l'approbation du traité sur un plan interne et d'adopter toute législation requise pour la mise en œuvre du traité à l'échelle nationale avant d'accepter les obligations juridiques créées par le traité à l'échelle internationale. Une fois qu'un État est devenu partie à un traité au niveau international, sa responsabilité internationale est engagée. Généralement, l'État peut ratifier le traité sans limite de temps après qu'il l'a signé. Lorsque le traité entre en vigueur pour un État, cet État est juridiquement lié par celui-ci.
Il ne faut pas confondre la ratification d'un traité au niveau international, par laquelle l'État indique à la communauté internationale son intention de respecter les termes dudit traité, et la ratification au niveau national, à laquelle un État doit parfois procéder, conformément à ses dispositions constitutionnelles, avant d'exprimer son consentement à être lié à l'échelle internationale. La ratification au niveau national ne suffit pas pour établir l'intention d'un État d'être juridiquement lié au niveau international et ne dispense pas cet État de l'action requise à ce niveau, à savoir le dépôt de son instrument de ratification.
Certains traités multilatéraux imposent des limites spécifiques ou des conditions à la ratification. Par exemple, lorsqu'un État dépose auprès du Secrétaire général un instrument de ratification, d'acceptation ou d'adhésion à la Convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, il doit en même temps notifier au Secrétaire général qu'il consent à être lié par au moins deux des protocoles relatifs à la Convention. Dans le cas du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés (2000), lorsqu'un État dépose un instrument de ratification, d'approbation, etc., il doit simultanément déposer, en application de l'article 3 (2), une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum à partir duquel il autorise l'engagement volontaire dans ses forces armées nationales et décrivant les garanties qu'il a prévues pour veiller à ce que cet engagement ne soit pas contracté de force ou sous la contrainte.
3.3.3 Acceptation ou approbation
(Voir le modèle d'instrument d'acceptation ou d'approbation à l'annexe 4.)
L'acceptation ou l'approbation d'un traité après signature a le même effet juridique que la ratification et les mêmes règles s'appliquent, sauf disposition contraire du traité (voir article 14 (2) de la Convention de Vienne de 1969).
La plupart des traités déposés auprès du Secrétaire général prévoient l'acceptation ou l'approbation moyennant signature préalable, par exemple la Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer (2008) et l'Accord international sur le cacao de 2010. 3.3.4 Adhésion
(Voir le modèle d'instrument d'adhésion à l'annexe 5.)
Un État peut généralement exprimer son consentement à être lié par un traité en déposant un instrument d'adhésion auprès du dépositaire (voir article 15 de la Convention de Vienne de 1969). L'adhésion a le même effet juridique que la ratification, l'acceptation ou l'approbation. Néanmoins, au contraire de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation qui doivent être précédées de la signature pour créer des obligations juridiques contraignantes au regard du droit international, l'adhésion ne demande qu'une seule démarche, à savoir le dépôt d'un instrument d'adhésion. Le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, considère les instruments de ratification qui sont déposés sans qu'il y ait de signature préalable comme des instruments d'adhésion, ce dont les États concernés sont dûment avisés.
La plupart des traités multilatéraux prévoient désormais l'adhésion. Par exemple la Convention de 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, à l'article 16. Parfois, les États peuvent adhérer au traité dès le lendemain du jour où celui-ci est fermé à la signature. Il en est ainsi de nombreux traités sur l'environnement comme en atteste, par exemple, l'article 24 (1) du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1997). D'autres traités, comme ceux relatifs au désarmement, prévoient que les États peuvent y adhérer le lendemain de leur entrée en vigueur (voir, par exemple, l'article XIII du Traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires (1996)).
3.3.5 Considérations pratiques
Les différentes formes d'instruments de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion
(Voir le modèle d'instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation à l'annexe 4 et le modèle d'instrument d'adhésion à l'annexe 5.)
Lorsqu'un État a l'intention de ratifier, accepter, approuver un traité ou d'y adhérer, il doit produire un instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, signé par l’une des trois autorités qualifiées, c'est-à-dire le chef d'État, le chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères. Il n'y a pas de forme prescrite, mais l'instrument doit contenir les informations suivantes:
1.
Le titre du traité en question, la date et le lieu
de conclusion;
2.
Le nom complet et le titre de la personne signant
l'instrument, c'est-à-dire le chef d'État, le chef de gouvernement ou le
ministre des affaires étrangères, ou toute autre personne qui assume ces
fonctions par intérim ou a reçu à cet effet des pleins pouvoirs de l'une des
autorités qualifiées;
3.
Une expression sans ambiguïté de l'intention du
Gouvernement de se considérer, au nom de l'État, comme lié par le traité, et
d'en respecter et appliquer les dispositions en bonne foi;
4.
La date et le lieu de publication de l'instrument;
et
5. La signature du chef d'État, chef de gouvernement ou ministre des affaires étrangères (le seul sceau officiel n'est pas recevable) ou de toute autre personne qui assume ces fonctions par intérim ou a reçu à cet effet des pleins pouvoirs de l'une des trois autorités qualifiées.
Remise au Secrétaire général
Un instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion ne prend effet qu'une fois déposé auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, au Siège, à New York. La date enregistrée pour le dépôt est normalement la date de réception de l'instrument au Siège.
Les États doivent remettre ce type d'instruments à la Section des traités qui en assurera le traitement rapide. Les pleins pouvoirs ne sont pas requis pour remettre un instrument de ratification. Il est possible, au lieu de remettre directement un instrument à la Section des traités, de le lui envoyer par la poste. Conformément à la pratique dépositaire, si un État commence par envoyer une copie signée de l'instrument par télécopie ou courrier électronique, cette copie peut être acceptée pour le dépôt mais l'État concerné doit fournir l'original à la Section des traités dès que possible.
Traductions
Pour permettre l'exécution rapide des formalités requises, il est recommandé à l'État de fournir si possible une traduction à titre gracieux, en anglais ou en français, des instruments rédigés dans une autre langue qui doivent être déposés auprès du Secrétaire général.
3.4 Application à titre provisoire
(Voir le Précis de la pratique, par. 240.)
Certains traités disposent qu'ils s'appliquent à titre provisoire avant ou après leur entrée en vigueur. Par exemple, l'article 7 (1) de l'Accord de 1994 relatif à l'application de la Partie XI de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 dispose que « si [l'] Accord n'est pas entré en vigueur le 16 novembre 1994, il sera appliqué à titre provisoire jusqu'à son entrée en vigueur ». L'Accord de 1995 aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs prévoit également une application à titre provisoire jusqu'à l'entrée en vigueur. L'article 56 de l'Accord international sur le cacao de 2010 prévoit lui aussi l'application à titre provisoire à compter de l'entrée en vigueur de l'Accord ou, s'il est déjà en vigueur, à une date spécifiée.
Un État applique à titre provisoire un traité qui est entré en vigueur lorsqu'il décide de manière unilatérale, conformément aux dispositions du traité en question, de donner effet à titre provisoire aux obligations créées par le traité, même s'il n'a pas rempli les formalités requises sur le plan interne en vue de la ratification, de l'approbation, de l'acceptation ou de l'adhésion au niveau international. L'État peut décider à tout moment, de manière unilatérale, de mettre un terme à cette application à titre provisoire, sauf disposition contraire du traité (voir article 25 de la Convention de Vienne de 1969). En revanche, un État qui a consenti à être lié par un traité par voie de ratification, d'approbation, d'acceptation ou d'adhésion ou à travers une signature définitive, doit suivre les dispositions du traité en question pour le dénoncer et s'en retirer, comme expliqué dans la section 4.5 (voir articles 54 et 56 de la Convention de Vienne de 1969).
3.5 Réserves
(Voir section 6.4, pour les démarches à accomplir auprès de la Section des traités pour faire une réserve ou une déclaration. Voir également le Précis de la pratique, par. 161 à 216.)
3.5.1 Qu’est-ce qu’une réserve?
Dans certains cas, les États font des déclarations lors de la signature, la ratification, l'acceptation ou l'approbation d'un traité ou de son adhésion. Une déclaration de ce type peut être une « réserve », une « déclaration », une « interprétation » ou une « déclaration interprétative ».
Quel que soit son libellé ou sa désignation, une déclaration de ce type qui vise à exclure ou à modifier l'effet juridique d'une disposition du traité dans son application à l'État qui la formule constitue, de fait, une réserve (voir le paragraphe 1 d) de l'article 2 de la Convention de Vienne de 1969). Une réserve peut permettre à l'État qui la formule de participer à un traité multilatéral auquel il ne voudrait ou ne pourrait pas participer autrement.
3.5.2 Convention de Vienne de 1969
L'article 19 de la Convention de Vienne de 1969 dispose qu'un État, au moment de signer, de ratifier, d'accepter, d'approuver un traité ou d'y adhérer, peut formuler une réserve, à moins:
a)
Que la réserve ne soit interdite par le
traité;
b)
Que le traité ne dispose que seules des réserves
déterminées, parmi lesquelles
ne figure pas la réserve en question, peuvent être faites; ou
c)
Que, dans les cas autres que ceux visés aux
alinéas a et b, la réserve ne soit
incompatible avec l'objet et but du traité.
Dans certains cas, les traités interdisent spécifiquement la formulation de réserves. L'article 120 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, de 1998, dispose par exemple que « le […] Statut n'admet aucune réserve ». De même, de nombreux traités relatifs à l'environnement interdisent les réserves (voir, par exemple, l'article 37 de la Convention sur la diversité biologique (1992) et l'article 37 de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique (1994). D'autres traités autorisent certaines réserves ou sont muets à ce sujet.
3.5.3 Quand formuler des réserves?
Réserves faites à la signature, la ratification, l'acceptation, l'approbation ou l'adhésion
D'après l'article 19 de la Convention de Vienne de 1969, les réserves peuvent être formulées au moment de la signature ou lors du dépôt d'un instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion. Si une réserve est faite à l'occasion d'une signature simple (c'est-à-dire d'une signature sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation), elle est de pure forme et doit être confirmée officiellement par écrit lorsque l'État exprime son consentement à être lié.
Réserves faites après la ratification, l'acceptation, l'approbation ou l'adhésion
Lorsque le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, reçoit une réserve après le dépôt d'un instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion qui remplit toutes les conditions requises, il la communique à tous les États concernés. Le Secrétaire général n'accepte la réserve en dépôt que si aucun État ne s'y oppose. La pratique du Secrétaire général s'écarte ici de ce que dispose strictement la Convention de Vienne de 1969. Le 4 octobre 2000, dans une lettre adressée aux représentants permanents auprès de l'Organisation des Nations Unies, le Conseiller juridique a signalé que le délai pour s'opposer à une réserve tardive de ce type serait de 12 mois à compter de la date de la notification dépositaire. Le même principe est suivi par le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, lorsqu'un État qui est l'auteur d'une réserve à un traité la retire pour la modifier ou la remplacer par une nouvelle réserve [LA 41 TR/221 (23-1) (annexe 2)].
3.5.4 Forme des réserves
(Voir le modèle de réserve à l'annexe 6.)
Lorsqu'une réserve est faite, elle doit normalement être intégrée à l'instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion ou lui être annexée et (si tel est le cas) être signée séparément par le chef d'État, le chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères ou une personne qui a reçu à cet effet des pleins pouvoirs de l'une des trois autorités qualifiées.
3.5.5 Notification des réserves par le dépositaire
Lorsqu'un traité interdit expressément les réserves
Lorsqu'un traité interdit expressément les réserves, comme, par exemple, le Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1997), le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, peut être amené à procéder à une évaluation juridique préliminaire pour déterminer si une déclaration donnée constitue ou non une réserve. Si la déclaration n'a aucune incidence sur les obligations juridiques de l'État, le Secrétaire général la communique aux États concernés.
Si, contrairement aux dispositions d'un traité, une déclaration, quel que soit son libellé ou sa désignation (voir alinéa d du paragraphe 1 de l'article 2 de la Convention de Vienne de 1969), vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité en question dans leur application à l'État concerné, le Secrétaire général refuse d'accepter la signature, la ratification, l'acceptation, l'approbation ou l'adhésion de cet État, en rapport à la déclaration. Le Secrétaire général appellera l'attention de l'État concerné sur le problème et ne diffusera pas la réserve non autorisée. Cette pratique n'est suivie que dans les cas où, prima facie, il apparaît sans doute possible que la réserve n'est pas autorisée et que la déclaration constitue une réserve.
Lorsqu'une détermination prima facie n'est pas possible et que le doute demeure, le Secrétaire général peut demander au déclarant un éclaircissement sur la nature réelle de sa déclaration. S'il explique officiellement que la déclaration ne constitue pas une réserve, le Secrétaire général recevra officiellement l'instrument en dépôt et en notifiera dûment tous les États concernés.
En sa qualité de dépositaire, le Secrétaire général n'est pas tenu de demander automatiquement des éclaircissements et il revient aux États concernés de soulever toutes les objections qu'ils pourraient avoir au sujet des déclarations qu'ils considèrent comme des réserves non autorisées.
Par exemple, les articles 309 et 310 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 disposent que la Convention n'admet pas de réserves (autres que celles qu'elle autorise expressément dans d'autres articles) et que les États peuvent faire des déclarations, quels qu'en soient le libellé ou la dénomination, à condition que ces déclarations ne visent pas à exclure ou à modifier l'effet juridique des dispositions de la Convention dans leur application aux États concernés.
Lorsqu'un traité autorise expressément les réserves
Lorsqu'un État fait une réserve et qu'elle est expressément autorisée dans le traité auquel elle s'applique, le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, en informe les États concernés par notification dépositaire. Une réserve de cette nature n'a pas à être acceptée par les États concernés, à moins que le traité ne le prévoie (voir le paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention de Vienne de 1969).
Lorsqu'un traité est muet sur la question des réserves
Lorsqu'un traité est muet sur la question des réserves et qu'un État fait une réserve conforme à l'article 19 de la Convention de Vienne de 1969, le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, en informe les États concernés par notification dépositaire. Les traités sur les droits de l'homme ne comportent généralement pas de dispositions relatives aux réserves.
3.5.6 Objections aux réserves Quand faire objection à une réserve?
Lorsqu'un traité est muet sur la question des réserves et qu'une réserve est formulée lors de l'expression du consentement à être lié puis communiquée, les États concernés ont un délai de 12 mois pour y faire objection, à compter de la date de la notification dépositaire ou de la date à laquelle l'État a exprimé son consentement à être lié par le traité, si celle-ci est postérieure (voir le paragraphe 5 de l'article 20 de la Convention de Vienne de 1969).
Lorsqu'un État fait objection à un traité auprès du Secrétaire général après l'expiration du délai de 12 mois, le Secrétaire général diffuse cette objection comme une « communication ».
De nombreux États ont formulé des réserves au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et à la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, pour adapter les obligations créées par le traité à leurs propres exigences juridiques sur le plan interne. Ces réserves ont à leur tour entraîné toute une série d'objections d'États parties (voir chapitre IV, à l'adresse http://treaties.un.org/pages/ParticipationStatus.aspx).
Conséquence d'une objection sur l'entrée en vigueur des réserves
Une objection à une réserve « […] n'empêche pas le traité d'entrer en vigueur entre l'État qui a formulé l'objection et l'État auteur de la réserve, à moins que l'intention contraire n'ait été nettement exprimée par l'État qui a formulé l'objection » (alinéa b, paragraphe 4, de l'article 20 de la Convention de Vienne de 1969). Pour éviter toute ambiguïté, l'État auteur d'une objection précise d'habitude si son objection à la réserve empêche l'entrée en vigueur du traité entre lui-même et l'État auteur de la réserve. Le Secrétaire général fait circuler les objections de ce type.
Voir par exemple l'objection d'un État à la réserve faite par un autre État lors de son adhésion à la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (notification dépositaire C.N.506.2007.TREATIES-19):
Le Gouvernement de (nom de l'État) a examiné les réserves formulées par le Gouvernement du (nom de l'État) lorsqu'il a accédé à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en ce qui concerne le paragraphe 2 de l'article 9 et les dispositions de la Convention pouvant être incompatibles avec la Constitution du (nom de l'État) ... Le Gouvernement de (nom de l'État) formule donc une objection aux réserves à la Convention formulées par le Gouvernement du (nom de l'État). Cette objection n'empêche pas la Convention d'entrer en vigueur entre (nom de l'État) et (nom de l'État). La Convention entre en vigueur dans son intégralité entre (nom de l'État) et (nom de l'État) sans que le (nom de l'État) puisse se prévaloir de sa réserve.
Si un État ne fait pas objection à une réserve formulée par un autre État, il est réputé avoir accepté la réserve de manière tacite (paragraphe 1 de l'article 21 de la Convention de Vienne de 1969).
3.5.7 Retrait des réserves
(Voir le modèle
d'instrument de retrait d'une ou de plusieurs réserves à
l'annexe 8.)
À moins que le traité n'en dispose autrement, un État peut à tout moment retirer une réserve ou une objection à une réserve, dans son intégralité ou partiellement. Si tel est le cas, il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement des États concernés pour garantir la validité du retrait (articles 22 et 23 de la Convention de Vienne de 1969). Le retrait doit être formulé par écrit et signé par le chef d'État, le chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères ou une personne qui a reçu à cet effet des pleins pouvoirs de l'une des trois autorités qualifiées. Le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, distribue une notification de retrait à tous les États concernés.
L'article 22 (3) de la Convention de Vienne de 1969 dispose que le retrait d'une réserve ne prend effet à l'égard d'un autre État contractant que lorsque cet État en a reçu notification. De même, le retrait d'une objection à une réserve ne prend effet que lorsque l'État auteur de la réserve en a reçu notification.
3.5.8 Modification des réserves
(Voir le modèle
d'instrument de modification d'une ou de plusieurs réserves à l'annexe 7.)
Une réserve déjà
existante peut être modifiée dans le sens d'un retrait partiel ou pour exclure
ou modifier à nouveau l'effet juridique de certaines dispositions d'un traité.
Une telle modification constitue une nouvelle réserve. Le Secrétaire général,
en sa qualité de dépositaire, communique ces modifications et accorde aux États
concernés un certain délai pour y faire objection. En l'absence d'objection, le
Secrétaire général accepte la modification en dépôt.
Dans le passé,
la pratique du Secrétaire général en sa qualité de dépositaire a consisté à
donner aux États concernés 90 jours pour faire objection à ce type de
modifications. Cependant, dans la mesure où la modification d'une réserve peut
soulever des problèmes juridiques et politiques complexes, le Secrétaire
général a considéré que ce délai était insuffisant. Le 4 avril 2000, le
Secrétaire général a donc annoncé que le délai pour faire objection à une
modification serait de 12 mois à compter de la date de la notification
dépositaire contenant la modification en question [LA 41 TR/221 (23-1) (annexe
2)].
Voir par exemple la modification d'une réserve faite par un État lors de
son adhésion au Deuxième Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques visant à abolir la peine de mort, 1989 (notification dépositaire
C.N. 1338.2003.TREATIES-11):
Conformément à
la pratique suivie dans des cas analogues, le Secrétaire général se propose de
recevoir en dépôt la modification précitée sauf objection de la part d'un État
contractant, soit au dépôt lui-même soit à la procédure envisagée, dans un
délai de 12 mois à compter de la date de la présente notification dépositaire.
En l'absence d'objection, ladite modification sera reçue en dépôt à
l'expiration du délai de 12 mois ci-dessus stipulé, soit le 1er
décembre 2004.
3.6
Déclarations
(Voir le Précis de la pratique, par. 217 à 220.)
(Voir le modèle de déclaration à l'annexe 6.)
3.6.1 Déclarations
interprétatives
Un État peut
faire une déclaration sur la façon dont il comprend un passage ou interprète
une disposition particulière d'un traité. Ces déclarations interprétatives, au
contraire des réserves, n'ont pas pour objectif d'exclure ou de modifier les
effets juridiques d'un traité. Une déclaration interprétative a pour objectif
d'éclaircir la signification de certaines dispositions ou du traité dans son
ensemble.
Certains traités
prévoient spécifiquement le cas des déclarations interprétatives. Par exemple,
lorsqu'un État signe, ratifie ou adhère à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, il
peut faire des déclarations en vue d'harmoniser sa législation et ses normes et
les dispositions de la Convention, à la condition que les déclarations en
question ne visent pas à exclure ou modifier l'effet juridique des dispositions
de la Convention dans son application à l'État concerné.
3.6.2 Déclarations
facultatives et obligatoires
Les traités
peuvent prévoir des déclarations facultatives et/ou obligatoires. Ces
déclarations ont eu un caractère juridiquement contraignant pour ceux qui les
formulent.
Déclarations
facultatives
De nombreux
traités sur les droits de l'homme prévoient des déclarations facultatives qui
revêtent pour ceux qui les font un caractère juridiquement contraignant. Dans
la plupart des cas, ces déclarations concernent la compétence des commissions
et comités des droits de l'homme (voir section 4.3). Voir par exemple l'article
41 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques de 1966:
Tout État
partie au présent Pacte peut, en vertu du présent article, déclarer à tout
moment qu'il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner des
communications dans lesquelles un État partie prétend qu'un autre ne s'acquitte
pas de ses obligations au titre du présent Pacte.
Les déclarations
relatives au règlement des différends sont elles aussi généralement
facultatives. Elles sont faites lors de la signature, de la ratification ou de
l'adhésion, ou ultérieurement, à tout moment.
Voir, par exemple, l'article 11, paragraphe 3 de la Convention de Vienne pour la protection de la couche d'ozone de
1985:
Lorsqu'il
ratifie, accepte, approuve la présente Convention ou y adhère, tout État ou
organisation d'intégration économique régionale peut déclarer par écrit auprès
du dépositaire que, dans le cas de différends qui n'ont pas été réglés
conformément aux paragraphes 1 ou 2 ci-dessus, il accepte de considérer comme
obligatoire l'un ou l'autre ou les deux modes de règlement ci-après.
D'autres
déclarations facultatives relatives au règlement des différends sont
considérées comme des réserves autorisées. Voir, par exemple, l'article 66,
paragraphes 3 et 4 de la Convention des
Nations Unies contre la corruption, de 2003:
3. Chaque État Partie peut, au moment de la
signature, de la ratification, de l’acceptation ou de l’approbation de la
présente Convention ou de l’adhésion à celle-ci, déclarer qu’il ne se considère
pas lié par le paragraphe 2 du présent article. Les autres États Parties ne
sont pas liés par le paragraphe 2 du présent article envers tout État Partie
ayant émis une telle réserve.
4. Tout État Partie qui a émis une réserve
en vertu du paragraphe 3 du présent article peut la retirer à tout moment en
adressant une notification au Secrétaire général de l’Organisation des Nations
Unies.
Déclarations
obligatoires
Lorsqu'un traité
prévoit que les États qui y deviennent parties fassent des déclarations
obligatoires, le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, cherche à
s'assurer que les États concernés font bien les déclarations en question.
Certains traités sur le désarmement et les droits de l'homme prévoient des
déclarations obligatoires, comme, par exemple, l'article 3 de la Convention de 1992 sur l'interdiction de la
mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes
chimiques et sur leur destruction. Le paragraphe 2 de l'article 3 du Protocole facultatif de 2000 à la Convention
relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les
conflits armés, dispose que:
Chaque État
partie dépose, lors de la ratification du Protocole ou de l'adhésion à cet
instrument, une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum à partir
duquel il autorise l'engagement volontaire dans ses forces armées nationales et
décrivant les garanties qu'il a prévues pour veiller à ce que cet engagement ne
soit pas contracté de force ou sous la contrainte.
Les déclarations
obligatoires apparaissent également dans certains traités sur le droit de la
mer. Par exemple, lorsqu'une organisation internationale signe la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer de 1982 (UNCLOS), ou l'Accord
de 1995 aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et
à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à
l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et
des stocks de poissons grands migrateurs (Accord de 1995), elle doit faire
une déclaration spécifiant les domaines gouvernés par l'UNCLOS pour lesquels
les États membres lui ont transféré leurs compétences et expliquer la nature et
l'étendue de ce transfert de compétences. Les États qui procèdent au transfert
de compétences doivent être signataires de l'UNCLOS. Lorsqu'une organisation
internationale est compétente pour tous les domaines abordés par l'Accord de
1995, elle doit faire une déclaration à ce propos lors de la signature ou de
l'adhésion, et ses États membres ne peuvent devenir États parties à l'Accord de
1995, excepté en ce qui concerne les territoires dont l'organisation
internationale en question n'est pas responsable.
3.6.3 Quand formuler des déclarations?
La déclaration
est normalement déposée lors de la signature ou du dépôt de l'instrument de
ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion. La déclaration peut
parfois être formulée ultérieurement.
3.6.4 Forme des déclarations
Une déclaration
interprétative n'ayant pas le même effet juridique qu'une réserve, elle ne doit
pas nécessairement porter la signature d'une autorité de l'État concerné s'il
est clair qu'elle émane de cet État. Néanmoins, comme il peut y avoir un doute
sur le point de savoir si une déclaration constitue en fait une réserve, la
déclaration interprétative doit de préférence être signée par le chef d'État,
le chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères ou par une
personne qui a reçu à cet effet des pleins pouvoirs de l'une de ces
autorités.
Les déclarations
facultatives ou obligatoires entraînent des obligations juridiques pour ceux
qui les formulent et elles doivent donc être signées par le chef d'État, le
chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères, ou une personne
qui a reçu à cet effet des pleins pouvoirs de l'une de ces autorités. 3.6.5
Notification des déclarations par le dépositaire
Le Secrétaire
général, en sa qualité de dépositaire, examine toute déclaration formulée dans
le cadre d'un traité qui n'autorise pas de réserves afin de s'assurer qu'elle
ne constitue pas prima facie une
réserve (voir l'analyse sur les réserves qui sont interdites à la section
3.5.5). Lorsqu'un traité est muet sur la question des réserves ou autorise la
formulation de réserves, le Secrétaire général ne cherche pas à déterminer le
statut juridique des déclarations formulées en relation au traité. Le
Secrétaire général se contente alors de communiquer le texte de la déclaration
aux États concernés par notification dépositaire, en les laissant tirer
eux-mêmes des conclusions sur le statut juridique de la déclaration.
3.6.6
Objections aux déclarations
Objections
aux déclarations lorsque le traité est muet sur la question des réserves
Les États font
parfois objection à des déclarations relatives à un traité qui est muet sur la
question des réserves. Le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, communique
toute objection de ce type.
Les objections
aux déclarations ont généralement pour objet d'indiquer que la déclaration
concernée n'est pas une déclaration interprétative mais qu'elle constitue une
véritable réserve suffisante pour modifier les effets juridiques du traité. Si
l'État auteur de l'objection conclut que la déclaration constitue une réserve
et/ou qu'elle est incompatible avec l'objet et le but d'un traité, il peut
empêcher l'entrée en vigueur du traité entre lui-même et l'État auteur de la
réserve. Si telle est l'intention de l'État auteur de l'objection, il doit
cependant le stipuler dans son objection. Les États formulant l’objection
précisent normalement que l'objection n'empêche pas l'entrée en vigueur du
traité entre eux et l'État réservataire.
Voir, par
exemple, l'objection d'un État à la déclaration formulée par un autre État lors
de son adhésion à la Convention relative
aux droits des personnes handicapées de 2006 (notification dépositaire
C.N.486.2010.TREATIES-18):
La (nom de
l'État) a examiné la déclaration formulée par la (nom de l'État) lorsqu’elle a
adhéré à la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ci-après
la « Convention ») le 23 octobre 2009. La (nom de l'État) fait observer que le
titre donné à une notification qui vise à modifier ou exclure les effets
juridiques de certaines dispositions d’un traité ne permet pas de déterminer à
lui seul si cette notification constitue une réserve ou une déclaration. La
(nom de l'État) considère que la déclaration faite par la (nom de l'État) est
en réalité une réserve. La (nom de l'État) estime que la réserve ne fait pas
ressortir clairement la mesure dans laquelle la (nom de l'État) est disposée à
s’acquitter des obligations que la Convention lui assigne puisqu’elle « ne se
considère pas liée par les dispositions de la Convention, qui peuvent être
incompatibles avec ses règles applicables ». La (nom de l'État) considère que
cette réserve est incompatible avec l’objet et le but de la Convention. Selon
le paragraphe 1 de l’article 46 de la Convention et le droit international
coutumier codifié par la Convention de Vienne sur le droit des traités, de
telles réserves ne sont pas admises. Il est dans l’intérêt de tous les États
que l’objet et le but des traités auxquels ils décident de devenir parties
soient respectés par toutes les parties et que les États soient prêts à
procéder aux modifications législatives nécessaires pour s’acquitter de leurs
obligations découlant de ces traités. En conséquence, la (nom de l'État) fait
objection à la réserve susmentionnée à la Convention formulée par la (nom de
l'État) et la considère comme nulle et non avenue. Cette objection ne fait pas
obstacle à l’entrée en vigueur de la Convention entre la (nom de l'État) et la
(nom de l'État), sans que la (nom de l'État) puisse se prévaloir de sa
réserve.
L'État objectant
peut parfois demander à l'État auteur de la déclaration de « clarifier » son
intention. Dans un tel cas, si l'État auteur de la déclaration admet qu'il a
formulé une réserve, il peut retirer celle-ci, ou s'il ne l'admet pas, il peut
confirmer que sa déclaration n'est qu'une déclaration.
3.7 Notifications
Les
notifications fournissent normalement des renseignements requis par le traité.
Elles ont généralement trait à la désignation d'autorités ou de langues, ou à
l'établissement de la compétence requis par les dispositions du traité. Voir,
par exemple, les notifications relevant des articles 6, paragraphe 3, 44,
paragraphe 6 a) et 46, paragraphes 13 et 14 de la Convention des Nations Unies contre la corruption (2003); et des articles 5, paragraphe 3, 16,
paragraphe 5, 18, paragraphes 13 et 14, et 31, paragraphe 6 de la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée (2000).
Par exemple, le
paragraphe 13 de l'article 18 de la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et
l'article 46, paragraphe 13 de la Convention
des Nations Unies contre la corruption exigent des États qu'ils notifient
au Secrétaire général, au moment où ils déposent leurs instruments de
ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion, l'autorité centrale
compétente pour recevoir les demandes d'entraide judiciaire. L'article 9,
paragraphe 3 de la Convention
internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (2005)
requiert que lors de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de
la Convention ou de l'adhésion à celle-ci, chaque État partie informe le
Secrétaire général de la compétence qu'il a établie comme l'exige la
Convention.
Certaines
notifications peuvent être déposées lors de la signature, de la ratification ou
de l'adhésion, ou ultérieurement. Les notifications désignant des conciliateurs
et arbitres dans le cadre des annexes V et VII de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 en sont
un exemple.
Dans le cas des
dérogations au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (1966), en cas de danger public,
les États doivent immédiatement informer les autres États, par l'entremise du
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, des dispositions
auxquelles ils ont dérogé ainsi que des motifs qui ont provoqué cette
dérogation. Le Secrétaire général doit aussi être informé de la prorogation ou
de la cessation de l'état d'urgence.
Comme une
notification n'a pas un effet juridique similaire à celui d'une déclaration ou
d'une réserve, elle n'a pas à être signée par l'une des trois autorités
compétentes.
[1] Pour des raisons de commodité, le
terme « État » peut, dans le présent Manuel,
désigner également d'autres entités qui ont la capacité de conclure des
traités en vertu du droit international.
4. TRAITÉS MULTILATÉRAUX: LES PRINCIPAUX MOMENTS 4.1 Vue
d’ensemble
La présente
section décrit ce qui se passe après l'adoption d'un traité. La frise cidessous
présente une suite possible d'événements lorsqu'un traité entre en vigueur et
que les États y deviennent parties.
4.2.1 Entrée
en vigueur à titre définitif
Les dispositions
d'un traité multilatéral fixent généralement la date de l'entrée en vigueur du
traité en question. Lorsqu'il ne fixe pas de date et ne désigne pas d'autre
méthode pour son entrée en vigueur, un traité entre en vigueur dès que le
consentement à être lié par le traité a été établi pour tous les États ayant
participé à la négociation.
Tous les traités multilatéraux déposés
auprès du Secrétaire général conclus de nos jours indiquent la date de leur
entrée en vigueur.
Les traités peuvent entrer en vigueur:
a)
Lorsqu'un nombre donné d'États ont déposé des instruments de
ratification, d'approbation, d'acceptation
ou d'adhésion auprès du dépositaire;
Voir par exemple l'article VIII du Protocole relatif au statut des réfugiés de
1967:
Le présent Protocole entrera
en vigueur à la date du dépôt du sixième instrument d'adhésion.
b)
À l'expiration d'un certain délai suivant le dépôt, par un pourcentage,
une proportion ou une catégorie d'États,
d'instruments de ratification, d'approbation, d'acceptation ou d'adhésion auprès du dépositaire;
Voir, par exemple, l'article XIV du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires de 1996:
Le présent Traité entre en
vigueur le cent quatre-vingtième jour qui suit la date de dépôt des instruments
de ratification de tous les États indiqués à l'Annexe 2 du Traité, mais en
aucun cas avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date de son
ouverture à la signature.
c)
Après une période donnée suivant le dépôt, par un certain nombre
d'États, d'instruments de ratification,
d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion auprès du dépositaire;
Voir par exemple l'article 126, paragraphe 1 du Statut de Rome de la Cour pénale
internationale de 1998:
Le présent Statut entrera en
vigueur le premier jour du mois suivant le soixantième jour après la date de
dépôt du soixantième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation
ou d'adhésion auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations
Unies.
d)
À une date donnée après que certaines conditions sont remplies
Voir par exemple l'article 39 (1) de l'Accord international sur les bois tropicaux (2006):
1. Le présent Accord entrera en vigueur à titre définitif le 1er février 2008
ou à toute date ultérieure, si 12 gouvernements de producteurs détenant au
moins 60 % du total des voix attribuées conformément à l’Annexe A du présent
Accord et 10 gouvernements de consommateurs mentionnés à l’Annexe B et
représentant au moins 60 % du volume mondial des importations de bois tropicaux
enregistré en 2005, année de référence, ont signé définitivement le présent
Accord ou l’ont ratifié, accepté ou approuvé, conformément au par. 2 de l’art.
36 ou à l’art. 37.
2. Si le présent Accord n’est pas entré en vigueur à titre
définitif le 1er février 2008, il entrera en vigueur à titre provisoire
à cette date ou à toute date se situant dans les six mois qui suivent, si 10
gouvernements de producteurs détenant au moins 50 % du total des voix
attribuées conformément à l’Annexe A du présent Accord et sept gouvernements de
consommateurs mentionnés à l’Annexe B et représentant au moins 50 % du volume
mondial des importations de bois tropicaux enregistré en 2005, année de
référence, ont signé définitivement l’Accord ou l’ont ratifié, accepté ou
approuvé conformément au par. 2 de l’art. 36 ou ont notifié au dépositaire
conformément à l’art. 38 qu’ils appliqueront le présent Accord à titre provisoire.
Si après l'entrée en vigueur d'un traité, le nombre de
parties tombe en-dessous du nombre requis pour son entrée en vigueur, le traité
demeure en vigueur, à moins qu'il n'en dispose autrement (voir article 55 de la
Convention de Vienne de 1969).
4.2.2 Entrée en vigueur pour un
État
Lorsqu'un État signe à titre définitif ou ratifie, accepte
ou approuve un traité ou adhère à un traité qui est déjà entré en vigueur, le
traité entre en vigueur pour l'État conformément aux dispositions pertinentes
du traité. Les traités disposent généralement que l'entrée en vigueur pour un
État se fait selon les modalités suivantes:
a)
À un moment donné après la signature définitive de l'État ou le dépôt
par celui-ci d'un instrument de
ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.
Voir par exemple l'article 126, paragraphe 2 du Statut de Rome de la Cour pénale
internationale de 1998:
À l'égard de chaque État qui
ratifie, accepte ou approuve le Statut ou y adhère après le dépôt du
soixantième instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou
d'adhésion, le Statut entre en vigueur le premier jour du mois suivant le
soixantième jour après le dépôt par cet État de son instrument de ratification,
d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.
b)
À la date à laquelle l'État signe le traité à titre définitif ou dépose
son instrument de ratification,
d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.
Voir par exemple l'article VIII du Protocole relatif au statut des réfugiés de
1967:
Pour chacun des États adhérant
au Protocole après le dépôt du sixième instrument d'adhésion, le Protocole
entrera en vigueur à la date où cet État aura déposé son instrument
d'adhésion.
4.2.3 Entrée en vigueur à titre provisoire
Il faut néanmoins souligner que certains traités comportent
des dispositions qui prévoient leur entrée en vigueur à titre provisoire. Ceci
permet aux États qui le souhaitent de respecter entre eux les obligations
créées par le traité, sans attendre que soit atteint le nombre minimum de
ratifications prévu pour l'entrée en vigueur officielle du traité, si ce nombre
n'est pas atteint dans une période donnée.
Voir par exemple l'article 57 (2) de l'Accord international sur le cacao, 2010:
Le présent accord entrera en
vigueur à titre provisoire le 1er janvier 2011 si, à cette date, des
gouvernements qui représentent au moins cinq pays exportateurs détenant 80 % au
moins des exportations totales des pays figurant dans l’annexe A et des
gouvernements qui représentent des pays importateurs détenant 60 % au moins des
importations totales telles qu’elles sont indiquées dans l’annexe B ont déposé
leurs instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion
ou ont notifié au dépositaire qu’ils appliqueraient le présent accord à titre
provisoire quand il entrera en vigueur. Ces gouvernements seront membres à
titre provisoire.
Une fois qu'il est entré en vigueur à titre provisoire, le
traité crée des obligations pour les parties qui sont convenues de le faire
entrer en vigueur de cette manière.
4.3 Règlement
des différends et mécanismes d’application
De nombreux traités contiennent des dispositions détaillées
pour le règlement des différends, mais d'autres ne comportent que des
dispositions générales. Lorsqu'un différend, une controverse ou un litige
surgit dans le cadre d'un traité (en raison par exemple d'un manquement, d'une
erreur, d'une fraude ou de problèmes rencontrés dans l'exécution du traité…)
ces dispositions revêtent une importance extrême. Si un traité ne prévoit pas
de mécanisme pour le règlement des différends, l'article 66 de la Convention de
Vienne de 1969 s'applique.
Les traités peuvent proposer différents mécanismes de
règlement des différends, notamment la négociation, la consultation, la
conciliation, le recours à de bons offices, l'arbitrage, le règlement
juridique, la référence à la Cour internationale de Justice, etc. Voir par
exemple l'article 119, paragraphe 2 du Statut
de Rome de la Cour pénale internationale de 1998:
Tout autre différend entre
deux ou plusieurs États Parties concernant l'interprétation ou l'application du
présent Statut qui n'est pas résolu par la voie de négociations dans les trois
mois après le début de celles-ci est renvoyé à l'Assemblée des États Parties.
L'Assemblée peut chercher à résoudre elle-même le différend ou faire des
recommandations sur d'autres moyens de le régler, y compris le renvoi à la Cour
internationale de Justice en conformité avec le Statut de celle-ci.
Certains traités conclus récemment comportent des
mécanismes d'application détaillés. De nombreux traités sur le désarmement et
sur l'environnement donnent des mécanismes d'application en imposant, par
exemple, des règles de suivi et de rapport. Voir par exemple l'article 8 du Protocole de Montréal de 1987 relatif à des
substances qui appauvrissent la couche d'ozone, qui dispose que les parties
« examinent et approuvent des procédures et des mécanismes institutionnels pour
déterminer la nonconformité avec les dispositions du présent Protocole et les
mesures à prendre à l'égard des parties contrevenantes ». Lors de la Quatrième
Réunion des parties au Protocole de
Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone (Copenhague,
1992), les parties ont adopté une procédure détaillée pour déterminer si les
dispositions sont convenablement appliquées ou non (Rapport de la Quatrième Réunion des parties au Protocole de Montréal
relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, 1992 (UNEP/OzL.Pro.4/15),
décision IV/5, et annexes IV et V; voir <http: //www.unep.org>).
De nombreux traités des droits de l'homme prévoient des
comités indépendants pour veiller à l'application de leurs dispositions. Par
exemple, la Convention de 1979 sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le
Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes de 1999 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.
4.4.
Amendements
(Voir le Précis de la pratique, par. 248 à 255.)
4.4.1 Amendement des traités qui sont déjà entrés
en vigueur
Le texte d'un traité peut être amendé conformément aux
dispositions du traité en la matière ou à la Partie IV de la Convention de
Vienne de 1969. Si le traité ne prévoit pas de procédures d'amendement, les
parties peuvent négocier un nouveau traité ou un accord portant amendement du
traité concerné.
La procédure d'amendement d'un traité peut
contenir des dispositions sur:
a)
Les propositions d'amendement
Voir par exemple, l'article 15 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des personnes
handicapées de 2006:
Tout État Partie peut
proposer un amendement au présent Protocole et le soumettre au Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies. Le Secrétaire général communique
les propositions d'amendement aux États Parties, en leur demandant de lui faire
savoir s'ils sont favorables à la convocation d'une réunion des États Parties
en vue d'examiner ces propositions et de se prononcer sur elles.
b)
La diffusion des propositions d'amendement
C'est généralement le secrétariat créé aux fins de
l'application du traité qui assure la diffusion des propositions d'amendement.
Il est le mieux placé pour fournir un appui administratif et aider les États
qui négocient à organiser les consultations si nécessaire. Il arrive que le
traité explique en détail le rôle du secrétariat à cet égard. Si l'organe créé
aux fins de l'application du traité n'a pas fait circuler l'amendement, le
Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, peut s'en charger.
c)
L'adoption des amendements
Les amendements peuvent être adoptés, soit par les États
parties, lors d'une conférence, soit par un organe exécutif du traité. Voir par
exemple l'article 13 (4) de la Convention
sur armes à sous-munitions (2008):
Tout amendement à la présente
Convention sera adopté à la majorité des deux tiers des États parties présents
et votants à la Conférence d’amendement. Le Dépositaire communiquera tout
amendement ainsi adopté à tous les
États.
d)
Le consentement des parties à être liées par des amendements
Les traités stipulent généralement qu'une partie doit
officiellement consentir à être liée par une amendement, après son adoption, en
déposant un instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation de
l'amendement. Voir par exemple l'article 39, paragraphe 3 de la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée (2000):
Un amendement adopté
conformément au paragraphe 1 du présent article est soumis à ratification,
acceptation ou approbation des États parties.
e)
L'entrée en vigueur des amendements
Un amendement entre en vigueur conformément aux
dispositions du traité relatives aux amendements, par exemple:
i)
À l'expiration d'un certain
délai après le dépôt d'un certain nombre ou pourcentage d'instruments de
ratification, d'acceptation, etc.; ou
ii) Dans un certain délai après sa diffusion, à condition qu'aucune
des parties au traité ne s'y oppose.
Voir par exemple l'article 20, paragraphe 4 du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques (1997):
Les instruments d'acceptation
des amendements sont déposés auprès du dépositaire. Tout amendement adopté conformément
au paragraphe 3 ci-dessus entre en vigueur à l'égard des parties l'ayant
accepté le quatre-vingtdixième jour qui suit la date de réception, par le
dépositaire, des instruments d'acceptation des trois quarts au moins des
parties au présent Protocole.
f)
L'effet des amendements: deux approches
Selon les dispositions du traité, l'amendement revêt un
caractère contraignant, à son entrée en vigueur, pour:
i)
Les États qui l'ont
officiellement accepté (voir paragraphe d) ci-dessus); ou ii) Dans certains cas, tous les États
Parties au traité.
g)
Les États qui deviennent parties après l'entrée en vigueur d'un
amendement
Les dispositions du traité déterminent si l'État est lié
par l'amendement. Voir par exemple l'article 13, paragraphe 5, de la Convention de 1997 sur l'interdiction de
l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel
et sur leur destruction:
Un amendement à la présente
Convention entrera en vigueur, pour tous les États parties à la présente
Convention qui l'ont accepté, au moment du dépôt auprès du dépositaire des
instruments d'acceptation par une majorité des États parties. Par la suite, il
entrera en vigueur pour tout autre État partie à la date du dépôt de son
instrument d'acceptation.
4.4.2
Amendements des traités qui ne sont pas entrés en vigueur
Lorsqu'un traité n'est pas entré en vigueur, il n'est pas
possible d'amender ce traité en vertu de ses propres dispositions. Lorsque les
États conviennent, après l'adoption du traité, mais avant son entrée en
vigueur, que le texte du traité doit être révisé, les signataires et les États
contractants peuvent se réunir pour adopter des accords ou des protocoles
additionnels pour résoudre le problème. Les États contractants et les
signataires jouent un rôle fondamental dans de telles négociations, mais il
n'est pas rare que tous les pays intéressés y participent. Voir par exemple l'Accord de 1994 relatif à l'application de la
Partie XI de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10
décembre 1982.
4.4.3 Fixation de la date d’entrée en vigueur d’un
amendement
En sa qualité de dépositaire, le Secrétaire général suit
les dispositions du traité qui concernent les amendements pour déterminer le
moment auquel un amendement doit entrer en vigueur. Certains traités prévoient
qu'un amendement entre en vigueur à l'expiration d'un délai défini après le
dépôt d'un certain nombre de ratifications, d'acceptations ou d'approbations.
Cependant, si la disposition relative aux amendements prévoit que l'entrée en
vigueur a lieu lorsqu'une proportion donnée des parties à un traité a ratifié,
accepté ou approuvé l'amendement, la date de l'entrée en vigueur devient plus
incertaine. Si un amendement doit par exemple entrer en vigueur lorsque les
deux tiers des parties ont exprimé leur consentement à être liées, s'agit-il
des deux tiers des parties au traité au moment de l'adoption de l'amendement ou
à tout moment après l'adoption?
Dans ce type de cas, la pratique du Secrétaire général est
d'appliquer cette dernière approche, parfois qualifiée d'« actuelle ». Dans le
cadre de cette approche, le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire,
détermine le moment où un amendement entre en vigueur en comptant toutes les
parties à n'importe quel moment suivant l'adoption de l'amendement. En
conséquence, les États qui deviennent parties à un traité après l'adoption d'un
amendement mais avant son entrée en vigueur sont également pris en compte.
C'est en 1973 que le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire, a pour la
première fois appliqué l'approche actuelle à l'amendement à l'Article 61 de la Charte des Nations Unies.
4.5 Retrait
et dénonciation
(Voir le Précis de la pratique, par. 157 à 160.)
Une partie peut normalement se retirer d'un
traité ou le dénoncer:
a)
Conformément aux
dispositions du traité autorisant le retrait ou la
dénonciation (voir article 54 a) de la
Convention de Vienne de 1969);
b)
Par consentement de toutes
les parties, après consultation des autres États
contractants (voir article 54 b) de la
Convention de Vienne de 1969); ou
c)
Si le traité est muet sur
les questions de retrait ou de dénonciation, par une
notification préalable d'au moins 12 mois
et pourvu que:
i)
Il soit établi qu'il
entrait dans l'intention des parties d'admettre la possibilité d'une
dénonciation ou d'un retrait; ou
ii) Le droit de dénonciation ou de retrait puisse être déduit de la
nature du traité (voir article 56 de la Convention de Vienne de 1969).
C'est aux États qui veulent invoquer l'article 56 de la Convention de Vienne de 1969 c) i) et
ii) ci-dessus) qu'incombe la charge de la preuve.
Certains traités, notamment des traités sur les droits de
l'homme, ne contiennent pas de dispositions sur le retrait. Voir par exemple,
le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques de 1966. Le Secrétaire général, en sa qualité de
dépositaire, considère qu'une partie ne peut se retirer du traité qu'en vertu
de l'article 54 ou 56 de la Convention de Vienne de 1969 (voir notification
dépositaire C.N.467.1997.TREATIES-
10).
Lorsqu'un traité contient des dispositions sur le retrait,
le Secrétaire général suit ces dispositions. L'article 12, paragraphe 1, du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (1966) prévoit en ces
termes la dénonciation du traité par des États parties:
Tout État partie peut, à tout
moment, dénoncer le présent Protocole par voie de notification écrite adressée
au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies. La dénonciation
portera effet trois mois après la date à laquelle le Secrétaire général en aura
reçu notification.
L'État qui a l'intention de dénoncer le Protocole le
notifie au Secrétaire général en utilisant cette disposition.
4.6 Extinction
(Voir le Précis de la pratique, par. 256 à 262.)
Les traités peuvent comporter une disposition sur leur
extinction. L'article 42, paragraphe 2 de la Convention de Vienne de 1969
dispose que l'extinction d'un traité ne peut avoir lieu qu'en application des
dispositions du traité en question ou de la Convention de Vienne de 1969 (par
exemple de ses articles 54, 59 à 62, et 64). Un traité peut être remplacé par
un traité conclu postérieurement et auquel toutes les parties du premier traité
sont également parties.
5. ENREGISTREMENT OU INSCRIPTION ET CLASSEMENT AU RÉPERTOIRE
5.1
Article 102 de la Charte des
Nations Unies
(Voir le Répertoire de la pratique, article 102, par.1.) L'Article 102 de la Charte des Nations Unies dispose que:
1. Tout traité ou accord international
conclu par un Membre des Nations Unies après l'entrée en vigueur de la présente
Charte sera, le plus tôt possible, enregistré au Secrétariat et publié par
lui.
2. Aucune partie à un traité ou accord
international qui n'aura pas été enregistré conformément aux dispositions du
paragraphe 1 du présent Article ne pourra invoquer ledit traité ou accord
devant un organe de l'Organisation.
Ainsi, les États
Membres de l'Organisation des Nations Unies ont l'obligation juridique d'enregistrer
les traités et accords internationaux auprès du Secrétariat et le Secrétariat a
reçu le mandat de publier les traités et les accords internationaux qui sont
enregistrés. Au sein du Secrétariat, c’est la Section des traités qui
assume ces fonctions.
C'est l'enregistrement d'un traité ou d'un accord
international, et non sa publication, qui est la condition posée dans la Charte des Nations Unies pour que ce
traité ou cet accord international puisse être invoqué devant la Cour
internationale de Justice ou tout autre organe de l'Organisation des Nations
Unies.
L'objectif de l'Article 102, qui peut être rattaché à
l'article 18 du Pacte de la Société des Nations, est de garantir que tous les
traités et accords internationaux demeurent dans le domaine public afin de
mettre un terme à la diplomatie secrète. La Charte
des Nations Unies a été rédigée à la fin de la seconde guerre mondiale. À
cette époque, la diplomatie secrète était tenue pour un facteur majeur
d'instabilité internationale.
5.2 Règlement
destiné à mettre en application l’Article 102
(Voir le Répertoire
de la pratique, Article 102, par. 2 et l'annexe aux Généralités.) Reconnaissant la nécessité pour le
Secrétariat de disposer de principes directeurs uniformes dans l'application de
l'Article 102 de la Charte des Nations
Unies, l'Assemblée générale a adopté un Règlement destiné à mettre en
application l'Article 102 (voir la section des abréviations pour la source du
Règlement). Dans le Règlement, l'enregistrement et la publication sont
considérés comme deux opérations distinctes. Les première et deuxième parties
du Règlement (articles 1 à 11) traitent de l'enregistrement ainsi que de
l'inscription et du classement au répertoire. La troisième partie du Règlement
(articles 12 à 14) concerne la publication.
5.3 Un
« traité » ou « accord international » au sens de l’Article 102
5.3.1
Rôle du Secrétariat
(Voir le Répertoire de la Pratique, Article 102,
par.15.)
Lorsque le Secrétariat reçoit des instruments aux fins de
l'enregistrement, la Section des traités les examine d'abord pour déterminer
s'ils peuvent être enregistrés. Le Secrétariat respecte généralement le point
de vue de la partie qui demande l'enregistrement et qui considère que
l'instrument constitue un traité ou un accord international au sens de
l'Article 102. Cependant le Secrétariat examine chaque traité pour s'assurer
qu'il constitue bien, prima facie, un
traité. Le Secrétariat a le pouvoir de refuser d'agir s'il considère que
l'instrument soumis ne constitue pas un traité ou un accord international ou
qu'il ne remplit pas toutes les conditions énoncées dans le Règlement aux fins
de l'enregistrement (voir section 5.6).
Lorsque l'instrument soumis ne remplit pas les conditions
énoncées dans le Règlement ou manque de clarté, le Secrétariat le classe dans
un dossier « en attente ». Le Secrétariat demande alors des éclaircissements
écrits ou des documents additionnels à l'État qui lui a soumis l'instrument. Le
Secrétariat ne traitera pas l'instrument tant qu'il n'aura pas reçu les
éclaircissements ou documents additionnels demandés.
L'enregistrement d'un instrument auprès du Secrétariat
n'implique aucun jugement de la part du Secrétariat sur la nature de cet
instrument, le statut d'une partie ou toute autre question de ce type.
L'acceptation de l'enregistrement par le Secrétariat ne confère donc pas à
l'instrument le statut de traité ou d'accord international s'il ne l'a pas
déjà. De même, une partie à un traité ou un accord international n'obtient pas
un statut qu'elle n'aurait pas autrement grâce à l'enregistrement du traité ou
de l'accord international en question.
5.3.2 Forme
(Voir le Répertoire de la pratique, Article 102,
par. 18 à 30.)
La Charte des Nations
Unies ne donne pas de définition des termes « traité » ou « accord
international ». L'article 1 du Règlement permet de mieux saisir la notion de
traité ou d'accord international par l'expression « quelle qu'en soit la forme
et sous quelque appellation qu'il soit désigné ». Le titre et la forme des
documents soumis au Secrétariat aux fins de l'enregistrement sont donc moins
importants que leur contenu pour déterminer s'ils constituent ou non des
traités ou accords internationaux. Un échange de notes ou de lettres, un
protocole, un accord, un mémorandum d'accord et même une déclaration
unilatérale peuvent être enregistrés au titre de l'Article 102.
5.3.3 Parties
Un traité ou un accord international au sens de l'Article
102 doit être conclu entre au moins deux parties ayant la capacité de conclure
des traités. Un État souverain ou une organisation internationale ayant la
capacité de conclure des traités peuvent donc être parties à un traité ou à un
accord international.
De nombreuses organisations internationales créées par
traité ou accord international se sont vues explicitement ou implicitement
conférer le pouvoir de conclure des traités. De même, de nombreux traités
reconnaissent le pouvoir de conclure des traités à certaines organisations
internationales, comme l'Union européenne. Cependant, une entité internationale
créée par un traité ou un accord international n'a pas nécessairement la
capacité de conclure des traités.
5.3.4 Intention de créer des obligations
juridiques au regard du droit international
Un traité ou un accord international doit entraîner pour
les parties des obligations juridiquement contraignantes au regard du droit
international, et non de simples engagements politiques. Il doit être clair au
vu de l'instrument, quelle que soit sa forme, que les parties ont l'intention
d'être juridiquement contraintes au regard du droit international.
Le Secrétariat a par exemple conclu qu'un instrument dont
l'enregistrement lui était demandé, qui comprenait un cadre pour la création
d'une association de parlementaires, ne pouvait être enregistré au titre de
l'Article 102. L'instrument n'a donc pas été enregistré. Le Secrétariat a jugé
que le document soumis ne constituait pas un traité ou un accord international
entre personnes juridiques à l'échelle internationale entraînant des devoirs et
des droits réalisables au regard du droit international.
5.4 Types
d’enregistrement, d’inscription et de classement au
répertoire
5.4.1 Enregistrement auprès du Secrétariat
(Voir le Répertoire
de la pratique, Article 102, par. 43 et 44, 55 à 57 et 67 à 70, et article
1er du Règlement, à l'annexe aux Généralités.)
En vertu de l'Article 102 de la Charte des Nations Unies (voir section 5.1), le traité ou l'accord
international dont au moins une partie est un Membre des Nations Unies peut
être enregistré auprès du Secrétariat. Le traité ou l'accord international doit
être en vigueur entre deux parties au moins et doit remplir les autres conditions
relatives à l'enregistrement (article premier du Règlement) (voir section
5.6).
Comme expliqué plus haut, les États Membres de
l'Organisation des Nations Unies sont obligés, en vertu de l'Article 102,
d'enregistrer tous les traités et accords internationaux conclus après l'entrée
en vigueur de la Charte des Nations Unies.
C'est donc aux États Membres de l'Organisation des Nations Unies qu'incombe la
charge de l'enregistrement. Cette démarche est obligatoire pour les États
Membres de l'Organisation des Nations Unies, mais les organisations
internationales qui ont la capacité de conclure des traités ou les États qui ne
sont pas Membres de l'Organisation peuvent eux aussi demander l'enregistrement
de traités ou accords internationaux conclus avec un État Membre.
Une institution spécialisée a le droit d'enregistrer auprès
du Secrétariat un traité ou un accord international sujet à l'enregistrement
dans les cas suivants (article 4, paragraphe 2 du Règlement):
a)
Quand l'acte constitutif de
l'institution spécialisée prévoit cet enregistrement;
b)
Quand le traité ou accord a
été enregistré auprès de l'institution spécialisée
conformément aux termes de son acte
constitutif;
c)
Quand le traité ou l'accord
a autorisé l'institution spécialisée à effectuer
l'enregistrement.
En vertu de l'article 1, paragraphe 3
du Règlement, qui dispose que l'enregistrement peut être effectué « (…) par
l'une quelconque des parties (…) » à un traité ou un accord international,
l'institution spécialisée peut également enregistrer les traités ou accords
internationaux auxquels elle est elle-même partie.
5.4.2 Classement et inscription au répertoire par
le Secrétariat
(Voir le Répertoire
de la pratique, article 102, par.71 à 81, et article 10 du Règlement à
l'annexe aux Généralités.)
Le Secrétariat classe et inscrit au répertoire les traités
et accords internationaux qui lui sont soumis volontairement et qui ne peuvent
pas être enregistrés au titre de l'Article 102 de la Charte des Nations Unies ou du Règlement. Les conditions à remplir
pour demander l'enregistrement des traités ou accords internationaux qui sont
décrites à la section 5.6 valent également pour la soumission des traités et
accords internationaux en vue de leur classement et de leur inscription au
répertoire.
L'article 10 du Règlement prévoit que le Secrétariat
classera et tiendra au répertoire les traités ne pouvant pas être enregistrés
au titre de l'Article 102 qui correspondent aux catégories suivantes:
a)
Traités ou accords
internationaux conclus par l'Organisation
des
Nations Unies ou par une ou plusieurs
institutions spécialisées, c'est-à-dire les traités ou accords internationaux
entre:
i)
L'Organisation des Nations Unies et des États non Membres; ii)
L'Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées ou
organisations internationales;
iii) Des institutions spécialisées et des États
non membres; iv) Deux ou
plusieurs institutions spécialisées; et
v) Des institutions spécialisées et des
organisations internationales.
Bien que ce ne soit pas explicitement prévu dans le
Règlement, la pratique du Secrétariat consiste à classer et inscrire au
répertoire des traités ou accords internationaux conclus entre deux ou
plusieurs organisations internationales autres que l'Organisation des Nations
Unies ou une institution spécialisée.
b)
Traités ou accords
internationaux transmis par un Membre de l'Organisation des Nations Unies et
conclus avant la date d'entrée en vigueur de la Charte, mais qui n'ont pas été
insérés dans le recueil des traités de la Société des Nations; et
c)
Traités ou accords
internationaux transmis par des États parties à ces traités ou accords, mais
non membres des Nations Unies, conclus soit avant, soit après l'entrée en
vigueur de la Charte, mais qui n'ont pas été insérés dans le recueil des
traités de la Société des Nations.
5.4.3 Enregistrement d’office par l’Organisation
des Nations Unies
(Voir le Répertoire
de la pratique, Article 102, par. 45 à 54 et article 4, paragraphe 1 du
Règlement à l'annexe aux Généralités.)
L'article 4 a) du Règlement dispose que tout traité ou
accord international dont l'enregistrement est possible et auquel
l'Organisation des Nations Unies est partie doit être enregistré d'office.
L'enregistrement d'office est l'acte par lequel l'Organisation des Nations
Unies enregistre unilatéralement tous les traités et accords internationaux
auxquels elle est partie. Quoique ce ne soit pas expressément prévu par le
Règlement, c'est la pratique du Secrétariat d'enregistrer d'office les actions
menées par la suite en relation à un traité ou un accord international que
l'Organisation des Nations Unies a déjà enregistré d'office.
Lorsqu'un traité ou un accord multilatéral est déposé
auprès du Secrétaire général, l'Organisation des Nations Unies l'enregistre
également d'office, de même que les actions menées en relation au traité ou à
l'accord international en question après son entrée en vigueur (voir article 4
c) du Règlement).
5.5 Types d’accords enregistrés ou classés et
inscrits au répertoire
5.5.1 Traités multilatéraux
Un traité multilatéral est un accord international conclu
entre au moins trois sujets de droit international dont chacun a la capacité de
conclure des traités (voir section 5.3.3).
5.5.2 Traités bilatéraux
La majorité des traités enregistrés en vertu de l'Article
102 de la Charte des Nations Unies
sont des traités bilatéraux. Un traité bilatéral est un accord international
conclu entre deux sujets de droit international dont chacun a la capacité de
conclure des traités (voir section 5.3.3). Dans certains cas, plusieurs États
ou organisations peuvent s'unir pour former une partie. Il n'existe pas de
forme standard pour un traité bilatéral.
Les deux parties à un traité bilatéral conviennent du
contenu de ce traité et il n'est donc généralement pas possible de formuler des
réserves ou des déclarations pour un accord bilatéral. Cependant, lorsque les
parties à un traité bilatéral ont formulé des réserves ou des déclarations, ou
sont convenues d'un autre document interprétatif, cet instrument doit être enregistré
avec le traité dont l'enregistrement est demandé au titre de l'Article 102 de
la Charte des Nations Unies (voir
article 5 du Règlement).
5.5.3 Déclarations unilatérales
(Voir le Répertoire de la pratique, Article 102,
par. 24.)
Les déclarations unilatérales qui constituent des
déclarations interprétatives, facultatives ou obligatoires (voir section 3.6.1
et 3.6.2) doivent être enregistrées auprès du Secrétariat si elles portent sur
un traité ou un accord international enregistré antérieurement ou simultanément
auprès du Secrétariat.
Contrairement aux déclarations interprétatives,
facultatives ou obligatoires, certaines déclarations unilatérales peuvent être
considérées comme des accords internationaux à part entière et être
enregistrées comme telles. Par exemple, une déclaration unilatérale formulée au
titre de l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour internationale de
Justice, reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour internationale de
Justice. Ces déclarations sont enregistrées d'office (voir section 5.4.3)
lorsqu'elles sont déposées auprès du Secrétaire général. Une déclaration
politique qui est sans contenu juridique et ne constitue pas une interprétation
de la portée juridique d'une disposition d'un traité ou d'un accord
international ne peut pas être enregistrée auprès du Secrétariat.
5.5.4 Faits, modifications et accords ultérieurs
(Voir le Répertoire
de la pratique, Article 102, et article 2 du Règlement à l'annexe aux
Généralités.)
Tout fait ultérieur comportant un changement dans les
parties, les termes, la portée ou l'application d'un traité ou d'un accord
international enregistré auparavant doivent être enregistrés auprès du
Secrétariat. Ces faits sont, par exemple, les ratifications, les adhésions, les
prorogations, les extensions d'application à certains territoires ou les
dénonciations. Dans le cas des traités bilatéraux, c'est généralement la partie
responsable du fait ultérieur qui l'enregistre auprès du Secrétariat.
Cependant, toute autre partie à un accord de ce type peut prendre l'initiative
de l'enregistrement. Dans le cas d'un traité ou d'un accord multilatéral, c'est
généralement le dépositaire qui effectue l'enregistrement des actions (voir
section 5.4.3 sur les traités ou accords internationaux déposés auprès du
Secrétaire général).
Lorsqu'un nouvel instrument modifie la portée ou
l'application d'un accord, il doit être également enregistré auprès du
Secrétariat. Il ressort clairement de l'article 2 du Règlement qu'il faut, pour
qu'un traité ou accord international de ce type soit enregistré, que le traité
ou l'accord international auquel il se rapporte ait été enregistré. Pour
assurer la continuité de l'enregistrement, tout traité ou accord international
de ce type est enregistré sous le même numéro que le traité ou l'accord
international auquel il se rapporte.
5.6 Conditions
requises pour l’enregistrement
(Voir le Répertoire
de la pratique, Article 102, et article 5 du Règlement à l'annexe aux
Généralités et l'annexe 10.)
Avant de préparer les documents pour l'enregistrement, il
convient de tenir compte des points suivants:
a)
Le traité ou l'accord
international a-t-il déjà été enregistré au Secrétariat. S'il
l'a déjà été, il n'a pas à être soumis pour
enregistrement.
b)
Des dispositions d'un
traité peuvent invoquer d'autres accords qui font partie intégrante du traité
et sont essentiels pour son application et sa mise en œuvre. Si ces accords ne
sont pas encore enregistrés, ils doivent également être soumis pour
enregistrement.
Les traités et accords internationaux qui ont déjà été
enregistrés peuvent être consultés dans la base de données de la Recueil des traités des Nations Unies
(http://treaties.un.org).
Un instrument soumis pour enregistrement
doit remplir les conditions suivantes:
1. Traité ou accord
international au sens de l'Article 102
Comme expliqué précédemment, le Secrétariat
examine chaque document dont l'enregistrement lui est demandé pour s'assurer
qu'il constitue bien un traité ou un accord international au sens de l'Article
102 de la Charte des Nations Unies (voir
section 5.3)
2.
Déclaration
certifiée
(Voir le modèle de déclaration
certifiée à l'annexe 9.)
Conformément à l'article 5 du Règlement, la
partie ou l'institution spécialisée qui présente à l'enregistrement un traité
ou un accord international certifie que « le texte soumis est une copie conforme
et intégrale et qu'il comprend toutes les réserves faites par les parties ». La
déclaration certifiée doit comprendre:
a) Le titre de l'accord;
b)
Le lieu et la date de
conclusion;
c)
La date et le mode d'entrée
en vigueur pour chaque partie; et
d)
Les langues originales dans
lesquelles l'accord a été formulé.
3.
Copie
d'un traité ou d'un accord international
Une partie doit fournir au Secrétariat en vue
de l'enregistrement UNE copie certifiée conforme et intégrale de tous le(s) texte(s) faisant foi sur
support papier et, s'il en existe une, UNE copie électronique. La plupart des
traités ou accords internationaux sont conclus dans plus d'une langue. Une
copie papier ou électronique du traité ou de l'accord international dans toutes
les langues dans lesquelles il a été conclu doit être présentée. Comme tous les
traités enregistrés sont ultérieurement publiés dans le Recueil des Traités des Nations Unies, il est impératif que la
version papier soit claire et lisible et qu'elle puisse être reproduite dans le
Recueil des Traités (voir
prescriptions actualisées en matière de publication à l'adresse
https://treaties.un.org/doc/source/guidelines.pdf). L'Assemblée générale invite
instamment les États à traduire autant que possible en anglais ou en français
le texte des traités qu'ils présentent pour enregistrement au Secrétariat. Les
traductions, que ce soit en anglais ou en français ou dans une autre des
langues officielles de l'Organisation des Nations Unies, ont une grande
incidence sur les délais de publication du Recueil
des Traités des Nations Unies.
4.
Copie
des pièces jointes
Une partie doit fournir UNE copie certifiée
conforme et intégrale de toutes les pièces jointes en version papier et, s'il
en existe, UNE copie électronique. Comme le texte d'un traité ou accord
international soumis pour enregistrement doit être « complet », une copie de
toutes les pièces jointes, par exemple les protocoles, échanges de notes,
textes faisant foi ou annexes, au traité ou à l'accord international qui font
partie intégrante de celui-ci, doit être présentée aux fins de
l'enregistrement. Le Secrétariat signale toute omission en la matière à la
partie qui demande l'enregistrement du traité ou de l'accord international et
ajourne cet enregistrement tant que le dossier n'est pas complet.
5. Copie des réserves, déclarations ou objections (en
particulier pour les traités multilatéraux)
Une partie doit fournir UNE copie certifiée
conforme et intégrale en version papier et, s'il en existe, UNE copie
électronique de toutes les réserves, déclarations et objections, le cas
échéant, dans les langues dans lesquelles elles ont été formulées et dans des
traductions en anglais et en français, si possible.
6. Liste des États contractants ou organisations
contractantes (pour les traités multilatéraux)
Dans le cas d'un traité multilatéral, une
liste des États contractants ou des organisations contractantes doit être
fournie, avec la date de dépôt des instruments, le type d'instruments
(ratification, accession, etc.) et la date de l'entrée en vigueur du traité
pour chacun des États contractants et chacune des organisations contractantes.
7. Date et modalités de l'entrée
en vigueur
La documentation présentée doit préciser la
date et les modalités de l'entrée en vigueur, ainsi que la date et le lieu de
conclusion du traité ou de l'accord international. Les noms des signataires
doivent être indiqués sauf s'ils figurent en caractères d'imprimerie sous la
signature. Tous ces renseignements peuvent être fournis dans la déclaration
certifiée (voir section 5.6.2).
8. Accords ultérieurs
Tout traité ou accord international conclu en
relation avec un traité ou accord international déjà enregistré ou inscrit et
classé au répertoire (par exemple un protocole amendant ce dernier) doit être
soumis conformément aux prescriptions susmentionnées.
9. Actions ultérieures
Toutes les actions ultérieures concernant un
traité ou accord international doivent être enregistrées au Secrétariat ou
inscrites et classées au répertoire. Dans le cas où l'action est accompagnée
d'un instrument, par exemple une réserve ou une déclaration, UNE copie
certifiée conforme et intégrale doit également en être présentée en version
papier et, s'il en existe, UNE copie électronique. La copie doit être fournie
dans les langues dans lesquelles l'instrument a été formulé, et, si possible,
accompagnée d'une traduction en anglais et en français. La documentation
présentée doit indiquer la date de notification et de prise d'effet de
l'action.
5.7 Résultat de l’enregistrement ou du classement
et de l’inscription au répertoire
5.7.1
Base de données et annales
(Voir le Répertoire
de la pratique, Article 102 et article 8 du Règlement à l'annexe aux
Généralités)
La base de données sur les instruments enregistrés et les
annales des instruments classés et inscrits au répertoire sont tenues dans les
langues anglaise et française. Pour chaque traité ou accord international, la
base de données et les annales indiquent:
a)
La date de réception de
l'instrument par le Secrétariat de l'Organisation des
Nations Unies;
b)
Le numéro d'enregistrement
ou le numéro de classement et d'inscription au
répertoire;
c)
Le titre de
l'instrument;
d)
Les noms des parties;
e)
La date et le lieu de la
conclusion;
f)
La date d'entrée en
vigueur;
g)
Les pièces jointes, y
compris les réserves et les déclarations;
h)
Les langues dans lesquelles
il a été établi;
i)
Le nom de la partie ou de
l'institution spécialisée qui demande
l'enregistrement de l'instrument ou son
classement et son inscription au répertoire; et
j)
La date de l'enregistrement
ou du classement et de l'inscription au répertoire.
5.7.2
Date à laquelle l’enregistrement prend effet
(Voir le Répertoire
de la pratique, Article 102 et article 6 du Règlement à l'annexe aux
Généralités.)
Au titre de l'article 6 du Règlement, la date à laquelle le
Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies aura reçu le traité ou l'accord
international avec tous les documents nécessaires sera considérée comme date
d'enregistrement. Un traité ou un accord international enregistré d'office par
l'Organisation des Nations Unies est considéré comme enregistré à la date à
laquelle le traité ou l'accord international est entré en vigueur entre deux ou
plus de deux parties contractantes. Cependant, si le Secrétariat reçoit le
traité ou l'accord international après la date d'entrée en vigueur, la date
d'enregistrement est la première date possible dans le mois de la
réception.
Conformément à l'article 1 du Règlement, l'enregistrement
est effectué par l'une quelconque des parties et non par le Secrétariat. Le
Secrétariat fait tout son possible pour que l'enregistrement soit effectué dès
réception de la demande d'enregistrement. Cependant, en raison de plusieurs
facteurs, notamment de la quantité d'instruments déposés et des nécessités de
la traduction, il est possible qu'un certain délai s'écoule entre le moment de
la réception d'un traité ou d'un accord international et son traitement. Les parties qui demandent l'enregistrement
doivent impérativement veiller à ce que les documents qu'elles présentent
soient complets, exacts et lisibles afin d'éviter tout retard dans
l'enregistrement et la publication. Si la demande d'enregistrement est
incomplète ou incorrecte, c'est la date de réception de tous les documents et
renseignements requis, et non pas la date de la première présentation à
l'enregistrement, est considérée comme la date d'enregistrement du traité ou de
l'accord international.
5.7.3 Certificat d’enregistrement
(Voir le Répertoire de la pratique, Article 102, et article
7 du Règlement à l'annexe aux Généralités.)
Une fois le traité ou l'accord international enregistré, le
Secrétariat délivre à la partie qui a procédé à l'enregistrement un certificat
d'enregistrement signé par le Secrétaire général ou par son représentant. Le
Secrétariat fournira un certificat à tous les signataires et à toutes les
parties au traité ou à l'accord international qui lui en feront la demande. La
pratique du Secrétariat est de ne pas délivrer de certificats d'enregistrement
pour les traités ou les accords internationaux qui ont été enregistrés d'office
(voir section 5.4.3) ou classés et inscrits au répertoire (voir section 5.4.2),
ni pour les actions ultérieures (voir section 5.5.4).
5.7.4 Publication
(Voir le Répertoire
de la pratique, Article 102, par. 82 à 107, et articles 12 à 14 du
Règlement à l'annexe aux Généralités.) Relevé
mensuel des traités et accords internationaux
(Voir le Répertoire
de la pratique, Article 102, et articles 13 et 14 du Règlement à l'annexe
aux Généralités.)
Le Secrétariat publie un Relevé mensuel des traités et accords internationaux qui ont été
enregistrés ou inscrits et classés au répertoire (voir article 13 du
Règlement). Le Relevé mensuel ne
contient pas le texte des traités ou des accords internationaux, mais il donne
certains renseignements, en anglais et en français, sur les traités ou accords
internationaux qui ont été enregistrés ou classés et inscrits au répertoire,
comme:
a)
Le numéro d'enregistrement
ou de classement et d'inscription au répertoire;
b)
Le titre de
l'instrument;
c)
Les noms des parties entre
lesquelles le traité ou l'accord international a été
conclu;
d)
La date et le lieu de la
conclusion de l'accord ou du traité international;
e)
La date et le mode d'entrée
en vigueur;
f)
Les pièces jointes,
notamment les réserves et déclarations;
g)
Les langues dans lesquelles
le traité ou l'accord international a été établi;
h)
Le nom de la partie ou de
l'institution spécialisée qui présente l'instrument à
l'enregistrement ou demande son classement
et son inscription au répertoire; et
i)
La date de l'enregistrement
ou du classement et de l'inscription au répertoire.
Le Relevé mensuel
est divisé en deux parties. La première partie contient la liste des traités
enregistrés et la deuxième celle des traités classés et inscrits au répertoire.
De plus, le Relevé mensuel indique
dans ses annexes A et B les actions (par exemple les ratifications ou
adhésions) et accords ultérieurs relatifs aux traités ou accords internationaux
enregistrés ou inscrits et classés au répertoire. L'annexe C indique les
actions ultérieures qui concernent les traités ou accords internationaux
enregistrés auprès de la Société des Nations.
Recueil des Traités des Nations Unies
Conformément à l'article 12 du Règlement, le Secrétariat
publie le plus tôt possible, en un recueil unique, tout traité ou accord
international qui a été, soit enregistré, soit classé et inscrit au répertoire.
Les traités sont publiés dans le Recueil
des Traités des Nations Unies dans la langue ou les langues originales de
l'instrument, accompagnés, si besoin est, d'une traduction en anglais et en
français. Les actions sont publiées de la même façon. Le Secrétariat doit
disposer de copies lisibles des traités et accords internationaux pour pouvoir
les publier car il publie sous forme électronique le texte du traité tel qu'il
l'a reçu.
Publication limitée
À l'origine, en vertu de l'article 12 du Règlement, le
Secrétariat devait publier dans leur intégralité les traités ou les accords
internationaux qui étaient enregistrés auprès du Secrétariat ou classés et inscrits
au répertoire. L'Assemblée générale est revenue sur ce principe par sa
résolution 33/141 du 19 décembre 1978, à la lumière de l'augmentation du nombre
de traités conclus à l'échelle internationale et en raison du retard accusé
dans la publication à cette époque (Rapport
du Secrétaire général, A/33/258, 2 octobre 1978, par. 3 à 7).
Conformément à l'article 12, paragraphe 2 du Règlement, tel
que modifié en 1978, le Secrétariat n'est plus obligé de publier in extenso,
c'est-à-dire dans leur intégralité, les traités bilatéraux qui appartiennent à
l'une des catégories suivantes:
a)
Accords d'assistance et de
coopération d'objet limité en matières financière, commerciale, administrative
ou technique;
b)
Accords portant sur
l'organisation de conférences, séminaires ou réunions;
c)
Accords destinés à être
publiés ailleurs que dans le [Recueil des
Traités des Nations Unies] par les soins du Secrétariat de l'Organisation
des Nations Unies ou d'une institution spécialisée ou assimilée.
En 1997, l'Assemblée générale a étendu sa politique de
publication limitée aux traités multilatéraux, de sorte que le Secrétariat
décide désormais s'il y a lieu ou non de publier in extenso les traités et les accords bilatéraux et multilatéraux
qui appartiennent à l'une des catégories décrites aux alinéas a à c
du paragraphe 2 de l'article 12 (résolution 52/153 de l'Assemblée générale du
15 décembre 1997):
L'Assemblée générale,
7. Invite le Secrétaire général à appliquer les dispositions du
paragraphe 2 de l'article 12 du Règlement destiné à mettre en application
l'Article 102 de la Charte des Nations
Unies aux traités multilatéraux relevant des alinéas a à c du paragraphe 2 de
l'article 12 du Règlement.
La publication limitée s'applique également aux listes
détaillées de produits qui sont annexées aux accords commerciaux bilatéraux ou
multilatéraux. Par ailleurs, les accords de l'Union européenne ne sont publiés
qu'en français et en anglais.
Aujourd'hui, la publication limitée concerne environ 25%
des traités qui sont enregistrés. L'Accord
de 1958 concernant l'adoption de prescriptions techniques uniformes applicables
aux véhicules à roues, aux équipements et aux pièces susceptibles d'être montés
ou utilisés sur un véhicule à roues et les conditions de reconnaissance
réciproque des homologations délivrées conformément à ces prescriptions est
un exemple de traité ou d'accord multilatéral concerné par l'application
étendue du paragraphe 2 de l'article 12. Étant donné la nature très technique
de cet accord, qui contient en pièces jointes plus de 100 règlements
régulièrement amendés, le Secrétariat ne le publie pas dans son intégralité
dans le Recueil des Traités des
Nations Unies.
Le Secrétariat suit la lettre et l'esprit de la Charte des Nations Unies et du
paragraphe 3 de l'article 12 du Règlement, pour décider s'il y a lieu ou non de
publier un traité ou un accord international in extenso.
Le Secrétariat tiendra dûment
compte, entre autres choses, de la valeur pratique que pourrait revêtir une
publication intégrale.
En vertu du paragraphe 3 de l'article 12 du Règlement, le
Secrétariat peut toujours revenir sur une décision de ne pas publier
intégralement.
Lorsque le Secrétariat choisit, pour un traité ou un accord
international qui est enregistré ou classé et inscrit au répertoire, de
procéder à une publication limitée, seuls les renseignements suivants sont
publiés, conformément au paragraphe 5 de l'article 12 du Règlement:
a)
Le numéro d'enregistrement
ou de classement et d'inscription au répertoire;
b)
Le titre de
l'instrument;
c)
Le nom des parties entre
lesquelles l'accord ou le traité a été conclu;
d)
La date et le lieu de
conclusion de l'accord;
e)
La date et la mode d'entrée
en vigueur;
f)
La durée du traité ou de
l'accord international (éventuellement);
g)
Les langues dans lesquels
le traité ou l'accord international a été conclu;
h)
Le nom de la partie ou de
l'institution spécialisée qui a enregistré l'instrument
ou demandé le classement et
l'inscription;
i)
La date d'enregistrement ou
de classement et d'inscription au répertoire;
j)
S'il y a lieu, les
références aux publications où se trouve reproduit le texte
intégral du traité ou de l'accord
international en cause.
Le Relevé mensuel
signale d'un astérisque les traités et accords internationaux que le
Secrétariat ne publie pas in extenso.
6. LA SECTION DES TRAITÉS: PROCÉDURE
À SUIVRE
6.1
Renseignements de base
6.1.1 Prendre contact avec la Section des
traités
Section des
traités Téléphone: +1
212 963 5047 Bureau des affaires juridiques
Télécopie: +1
212 963 3693
Organisation des Nations Unies Site
web: http://treaties.un.org
New York, NY 10017 États-Unis
6.1.2
Les fonctions de la Section des traités
Comme indiqué dans l'introduction du présent Manuel, c'est la Section des traités du
Bureau des affaires juridiques qui prend en charge les fonctions dépositaires
du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et s'occupe de
l'enregistrement et de la publication des traités soumis au Secrétariat. La
présente Section passe en revue les démarches à suivre auprès de la Section des
traités selon les actions entreprises.
6.1.3
Remise des documents pour le dépôt
La plupart des actions se rapportant à un traité ne prennent
effet qu'au dépôt de l'instrument qu'ils concernent. Il est recommandé aux
États de remettre les instruments pour le dépôt directement à la Section des
traités afin d’en garantir le traitement rapide. La date du dépôt est
généralement celle à laquelle l'instrument est reçu au Siège, sauf si
l'instrument est considéré par la suite comme irrecevable. Les personnes qui se
contentent de remettre des instruments (contrairement à celles qui entendent signer
un traité par exemple) n'ont pas à être munies de pleins pouvoirs.
6.1.4
Traductions
Les États doivent, dans la mesure du possible, fournir la
traduction en anglais ou en français, ou dans les deux langues, de tout
instrument soumis à la Section des traités qui a été établi dans une autre
langue, afin d'en permettre le traitement rapide.
6.2 Signer
un traité multilatéral
NON
Le traité est -il
ouvert à la
signature de l'État qui
entend le signer?
OUI L'État ne peut signer
le traité mais il peut éventuellement y adhérer.
OUI
La personne qui doit signer le traité est-elle le
chef d'État, le chef de gouvernement ou le ministre des affaires étrangères?
NON
1. Prendre rendez-vous avec la Section des traités en vue de la
signature.
2. Aller au rendez-vous et signer le traité (les pleins pouvoirs ne
sont pas requis).
1. Établir un instrument donnant les pleins pouvoirs à la personne
qui doit signer le traité, conformément à l'annexe 3.
2.
Remettre
pour examen une copie de l'instrument de pleins pouvoirs à la Section des
traités, que ce soit manuellement, par courrier électronique ou par télécopie,
de préférence, si besoin est, accompagnée d'une traduction en anglais ou en
français.
3. Prendre rendez-vous avec la Section des traités pour la
signature.
4. Lors du rendez-vous:
§ Présenter l'original de l'instrument donnant les pleins pouvoirs
s'il ne l'a pas déjà été.
§ Signer le traité.
6. LA SECTION DES TRAITÉS: PROCÉDURE À SUIVRE
6.3 Ratifier, accepter ou approuver un traité
multilatéral, ou y adhérer
6.4 Faire une réserve à un traité multilatéral ou formuler une
déclaration
Le
traité interdit -t-il à l'État
de
formuler la réserve ou la OUI
déclaration? L'État ne peut formuler la réserve ou la déclaration
1. Établir la réserve ou la déclaration conformément à l'annexe 6.
2. Remettre pour examen une copie de l'instrument à la Section des traités manuellement, par courrier électronique ou par télécopie, en l'accompagnant si besoin est d'une traduction en anglais ou en français.
3. Après la vérification de l'instrument par la Section des traités, remettre l'original à celle-ci lors de la signature (voir section 6.2). NON
4. S'il n'y a pas eu de signature à titre définitif, mais signature simple, confirmer la réserve au moment de la ratification, de SIGNATURE l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, comme indiqué dans la case ci-dessous.
L'État formule -t-il la réserve
ou la
déclaration au moment de la signature du traité ou lors de sa ratification, de
son 1.
Établir la réserve ou la
déclaration conformément à l'annexe 6
acceptation,
de son (soit
dans l'instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation approbation ou
de son ou
d'adhésion, soit séparément). adhésion? [1]
2. Remettre pour examen une copie de
l'instrument à la Section des traités manuellement, par courrier
électronique ou par télécopie, de préférence en l'accompagnant si
besoin est d'une traduction en RATIFICATION ETC. anglais ou en français.
3.
Fournir l'original à la
Section des traités lors de la ratification, de l'acceptation,
de l'approbation ou de l'adhésion (soit comme partie intégrante,
soit comme pièce jointe de l'instrument de ratification, d'acceptation,
d'approbation ou d'adhésion).
4.
Si l'instrument a été
envoyé à la Section des traités par courrier électronique
ou par télécopie pour dépôt immédiat, remettre l'original
à la Section des traités dès que possible.
6. LA SECTION DES TRAITÉS: PROCÉDURE À SUIVRE
6.5 Déposer
un traité multilatéral auprès du Secrétaire général
1. |
Prendre contact avec la Section des traités
suffisamment longtemps avant l'adoption du traité, notamment pour demander au
Secrétaire général d'être le dépositaire du traité ou en ce qui concerne les
clauses finales (voir ST/SGB/2001/7 du 28 août 2001, annexe 11). |
2. |
Remettre pour examen à la Section des traités une
copie du traité (notamment du projet de clauses finales), dans les langues
d'origine du traité. |
3. |
Après l'adoption, déposer l'original du traité, dans
toutes les langues originales, auprès de la Section des traités. Pour que
celle-ci puisse établir des textes faisant foi et des copies certifiées
conformes à temps pour la signature, fournir des versions Pdf et Word du
traité tel qu'il a été adopté (sur supports papier et électronique -
Microsoft Word). |
6.6 Demander au Secrétariat l’enregistrement d’un
traité ou son classement et son inscription au répertoire
[1]
Le Secrétaire général peut exceptionnellement accepter des réserves ou
déclarations formulées à un autre moment que la signature,
la ratification, l‘acceptation, l‘approbation ou l‘adhésion.
3. AFFAIRE DU DÉTROIT DE CORFOU (FOND)
Arrêt du 9 avril 1949
L'affaire du
détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne — Albanie) est née des
incidents survenus le 22 octobre 1946 dans le détroit de Corfou : deux
contre-torpilleurs britanniques, ayant heurté des mines dans les eaux
albanaises, furent gravement avariés par les explosions qui se produisirent. Le
Royaume-Uni saisit d'abord le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui, par
une résolution du 9 avril 1947, recommanda aux deux Gouvernements de soumettre
le différend à la Cour. Le Royaume-Uni déposa alors une requête, qui, à la
suite d*une exception d'irrec:evabilité de l'Albanie, fit l'objet d'un arrêt,
en date du 25 mars 1948, par lequel la Cour s'est déclarée compétente. Le même
jour, les deux parties conclurent un cornpromis, invitant la Cour à se prononcer
sur les questions suivantes :
l. L'Albanie
est-elle responsable des explosions, et y a-t-il des réparations à donner ?
2. Le
Royaume-Uni a-t-il violé le droit international par les actions de sa marine
dans les eaux albanaises, en prernier lieu. lejour où se sont produites les
explosions, et, en second lieu, les 12 et 13 novembre 194Ç lorsqu'il fut
procédé au déminage du détroit ?
Dans son
arrêt, la Cour, sur la première question, conclut, par Il voix contre 5. que
l'Albanie était responsable. Sur la seconde question, elle conclut, par 14 voix
contre 2, que le Royaume-Uni n'a pa.s violé la souveraineté albanaise le 22
octobre, mais, à l'unanimité, qu'il l'a violée les 12 et 13 novembre, cette
dernière constatation, d'ailleurs, constituant en elle-même une satisfaction
appropriée.
Les faits
sont les suivants. Le 22 octobre 1946, deux croiseurs et deux
contre•torpilleurs britanniques, venant du sud, s'engagèrent dans le détroit
nord de Corfou. Le chenal qu 'ils suivaient et qui se trouvait dans les eaux
albanaises était considéré comme sûr : il avait été déminé en 1944 et vérifié
en 1945, Un des contre-torpilleurs, le Saumarez, arrivé à la hauteur de
Saranda, heurta une mine et fut gravement avarié. L'autre contre-torpilleur, le
Volage, fut envoyé à son aide et, alors qu' il le remorquait, heurta également
une mine et subit de sérieux dommages. Quarante-cinq officiers et matelots
britanniques moururent et quarante-deux autres furent blessés.
Un incident
était déjà survenu dans ces eaux le 15 mai 1946 : une batterie albanaise avait
tiré dans la direction de deux croiseurs anglais. Le Gouvernement du
Royaume-Uni avait protesté, en faisant valoir que le passage innocent des
navires dans un détroit est reconnu par le droit international; le Gouvernement
albanais avait répondu que les navires étrangers, de guerre ou de commerce, ne
pouvaient pénétrer dans ses eaux territoriales sans en avoir reçu
l'autorisation; et, le 2 août 1946, le Gouvernement du Royaume-Uni avait
répliqué que si le feu était à nouveau ouvert sur un navire britannique en
passage, celui-ci riposterait. Enfin, le 21 septembre 1946, l'Amirauté de
Londres avait adressé au commandant en chef britannique en Méditerranée de
télégramme suivant (traduction) :
"L'établissement
de relations diplomatiques avec l'Albanie est de nouveau examiné par le
Gouvernement de Sa Majesté, qui désire savoir si le Gouvernement albanais a
appris à se conduire. Veillez faire connaître si des navires placés sous votre
commandement sont passés par le détroit nord de Corfou depuis le mois d'août
et, dans le cas contraire, si votre intention est qu'ils passent d'ici peu par
ce détroit. "
A
la suite des explosions du 22 octobre, le Gouverr.lement du Royaume-Uni adressa
à Tirana une note faisant part de son intention de procéder à bref délai au
cléminage du détroit. La réponse fut que le consentement serait donné
seulement si l'opération envisagée se déroulait en dehors des eaux
territoriales albanaises et que tout déminage dans ces eaux serait tenu pour
une violation de la souveraineté de l'Albanie.
Le déminage par la marine britannique eut
lieu les 12 et 13 novembre 1946, dans les eaux territoriales albanaises et en
se limitant au chenal antérieurement déminé. Vingt-deux mines amarrées furent
détachées; elles appartenaient au type allemand GY.
La première question posée par le compromis
est celle de la responsabilité de l'Albanie, selon le droit international, pour
les explosions du 22 octobre 1946.
La Cour établit d'abord que les explosions
ont été causées par des mines appartenant au champ de mines découvert le 13
novembre. En effet, il n'est pas contesté que ce champ de mines ait été
récemment mouillé ; c'est dans le chenal, antérieurement déminé et vérifié et
qui pouvait être considéré comme sûr, que se produisirent les explosions; la
nature des avaries montre qu'elles sont dues à des mines du même type que
celles draguées le 13 novembre; enfin, l'hypothèse que le mouillage des mines
découvertes le 13 novembre aurait eu lieu après les explosions du 22 octobre
est trop invraisemblable pour être retenue.
Cela étant, quel serait le fondement
juridique de la responsabilité de l'Albanie ? La Cour ne s'attache pas à la
suggestion que I ' Albanie elle-même aurait mouillé les mines : suggestion
énoncée seulement pour mémoire, non appuyée de preuves, et qui ne se concilie
pas avec le fait, incontesté, que, sur tout le littoral albanais, il y a
seulement quelques barques et quelques canots à moteur. Mais le Royaume-Uni a
plaidé la connivence de l'Albanie : le mouillage aurait été fait par deux
navires de guerre yougoslave. à la demande de l'Albanie, ou avec son
acquiescement. La Cour estime que la preuve de cette collusion n'a pas été
apportée. Une imputation d'une gravité aussi exceptionnelle contre un Etat exigerait
un degré de certitude qui n'est pas atteint ici, et la provenance des mines
mouillées dans les eaux albanaises reste conjecturale.
Le Royaume-Uni a également plaidé que, quels
qu'en fussent les auteurs, le mouillage n'a pu être effectué sans que l'Albanie
en eût connaissance. Certes, le seul fait que les mines se trouvaient dans les
eaux albanaises ne justifie ni responsabilité prima facie ni déplacement du
fardeau de la preuve. En revanche, il résulte du contrôle exclusif exercé par
un Etat dans les limites de ses frontières qu'il peut être impossible de faire
la preuve des faits d'où découlerait sa responsabilité en cas d'une violation
du droit international. L'Etat victime doit alors pouvoir recourir plus
largement aux présomptions de fait. indices ou preuves circonstancielles. ces
moyens de preuve indirecte devant être considérés comme particulièrement
efficaces quand ils s'appuient sur une série de faits qui s'enchaînent et qui
conduisent logiquement à une même conclusion.
Or. en l'espèce, deux ordres de faits, qui
se corroborent mutuellement. entrent en considération.
Le premier est l'attitude du Gouvernement albanais. avant et après la catastrophe. Le mouillage a eu lieu pendant la période où il manifestait la volonté d 'exercer une surveillance jalouse dans ses eaux et où il exigeait un permis pour y entrer, poussant parfois la vigilance jusqu'à l'emploi de la force : ce qui rend a priori peu vraisemblable l'allégation d'ignorance.
Mais, en outre, quand il a eu pleine connaissance de
l'existence d'un champ de mines, il a protesté énergiquement contre les
activités de la flotte britannique et non contre le mouillage qui, cependant, à
le supposer exécuté sans son assentiment, eut été une violation
particulièrement grave de sa souveraineté; il n'a pas notifié à la navigation
l'existence du champ de mines, comme l'exige le droit international: il n'a
procédé à aucune des mesures internes d'instruction judiciaire qui auraient
paru s'imposer en pareil cas. Ces attitudes ne s'expliquent que si, ayant eu connaissance
du mouillage, le Gouvernement albanais a entendu maintenir cachées les
circonstances dans lesquelles il 'est effectué.
Le second ordre de faits a trait aux
possibilités d'observer le mouillage de la côte albanaise. Géographiquement. le
lieu se prête à une surveillance étroite : il est entouré de hauteurs offrant
d'excellents points d'observation et se trouve à proximité immédiate de la côte
(la mine la plus proche en était à 500 m). L'opération même du mouillage,
raisonnée et méthodique, a obligé les mouilleurs à rester de deux heures à deux
heures et demie dans les eaux situées entre le cap Kiephali et le monastère St.
Georges. A cet égard, les experts navals nommés par la Cour ont, après enquête
et expériences faites sur les lieux, déclaré considérer comme indiscutable que.
si des postes de veille normaux étaient maintenus au cap Kiephali. au cap Denta
et au monastère St. Georges, si ces postes étaient munis de jumelles et si les
conditions atmosphériques étaient normales pour cette région, les opérations de
mouillage auraient dû être observées par ces postes.
L'existence d'un poste de veille au cap Denta n'est pas établiez mais se
fondant sur les déclarations du Gouvernement albanais que des postes existaient
aux deux autres points, la Cour relève dans le rapport de ses experts les
conclusions suivantes : dans l'hypothèse d'un mouillage effectué : I) du nord
au sud. les mouilleurs de mines auraient été aperçus du cap Kiephali: 2) du sud
au nord, ils auraient été observé du monastère St. Georges et du cap Kiephali.
l'ensemble des faits et
constatations relatées cidessus, la Cour conclut que le mouillage n'a pu
échapper à la connaissance de l'Albanie. Quant aux obligations qui dérivaient
pour elle de cette connaissance, elles ne sont pas contestées. Elle devait
prévenir la navigation et. en particulier, avertir du danger les navires qui
s'avançaient dans le détroit le 22 octobre. En fait, rien ne fut tenté par elle
pour prévenir la catastrophe, ces graves omissions engageant la responsabilité
internationale.
Le compromis demande à la Cour s'il y a, de
ce chef, pour l'Albanie le "cas de réparations à donner" au
Royaume-Uni. Ce texte a fait naître certains doutes : la Cour peut-elle non
seulement statuer sur le principe des réparations, mais aussi en fixer le
montant ? La Cour conclut affirmativement et, dans une ordonnance spéciale,
fixe des délais pour permettre aux parties de lui présenter leurs vues en la
matière.
La Cour passe ensuite à la seconde question du compromis : Le
Royaume-Uni a-t-il violé la souveraineté albanaise le 22 octobre 1946 ou les 12
et 13 novembre 1946 ?
La prétention de l'Albanie de soumettre le passage à une autorisation se heurte au principe généralement admis que les Etats, en temps de paix, possèdent le droit de faire passer leurs navires de guerre dans des détroits qui servent. aux fins de la navigation internationale, à mettre en communication deux parties de la haute mer, pourvu que le passage soit innocent.
Le détroit de Corfou appartient géographiquement à cette catégorie. même s'il est d'une importance secondaire (en ce sens qu'il n'est pas une route qu'il faille nécessairement emprunter pour se rendre de l'une à l'autre des parties de la haute mer) et abstraction faite du volume du trafic qui l'emprunte.
D'ailleurs. un fait particulièrement important est qu'il constitue une frontière entre l'Albanie et la Grèce, une partie du détroit étant entièrement comprise dans les eaux territoriales de ces Etats.
Il est
vrai que les relations entre eux n'étaient pas normales, la Grèce ayant
présenté des revendications territoriales précisément sur une partie de la côte
le long du détroit. Toutefois, la Cour estime que l'Albanie, eu égard à ces circonstances
exceptionnelles, aurait été fondée à règlementer le passage, mais ne pouvait ni
l'interdire ni l'assujettir à une autorisation spéciale.
L'Albanie a nié que le passage du 22 octobre fut innocent : il
se serait agi d'une mission politique dont les rnodalités d'exécution — nombre
de navires, formation, armement, manœuvres. etc. — démontrent l'intention
d'intimider. La Cour examine les différentes allégations albanaises dans la
mesure où elles lui semblenl: être pertinentes. Sa conclusion est que le passage
était innocent et dans son principe même, puisqu'il avait pour objet d'affirmer
un droit injustement refusé, et quant à ses modalités d'exécution, lesquelles
n'él:aient pas déraisonnables, notamment si l'on se rappelle les coups de canon
du 15 mai.
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plus l'admettre : entre Etats indépendants.
le respect de la souveraineté nationale est l'une des bases essenl.ielles des
rapports internationaux. Certes, la carence complète du Gouvernement albanais
au lendernain des explosions et le caractère dilatoire de ses notes diplomatiques
constituent pour le Royaume-Uni des circonstances atténuantes. Néanmoins, pour
assurer l'inT.égrité du droit international dont elle est l'organe, la Cour
doit constater que l'action de la marine de guerre britannique a violé la
souveraineté de l'Albanie. Cette eonstatation correspond à la demande faite au
nom de 'Albanie par son Conseil et
constitue en elle-même une satisfaction appropriée.
A l'arrêt de la Cour sont jointes une déclaration et
les opinions dissidentes de MM. Alvarez. Winiarski, Zoricic, Badawi Pacha,
Krylov et Azevedo. juges, ainsi que de M. Ecer, juge ad hoc.
2. CONDITIONS D'ADMISSION D'UN ÉTAT COMME MEMBRE DES NATIONS UNIES (CHARTE,
ART. 4) Avis consultatif du 28 mai 1948
L'Assemblée
générale des Nations Unies avait demandé à la Cour de rendre un avis
consultatif sur la question relative aux conditions d'admission d'un Etat comme
Membre des Nations Unies (Article 4 de la Charte).
"Un
Membre de l'Organisation des Nations Unies appelé, en vertu de l'Article 4 de
la Charte, à se prononcer par son vote, soit au Conseil de sécurité, soit à
l'Assemblée générale, sur l'admission d'un Etat comme Membre des Nations Unies.
est-il juridiquement fondé à faire dépendre son consentement à cette admission
de conditions non expressément prévues à l'alinéa I dudit article ? En
particulier, peut-il. alors qu'il reconnaît que les conditions prévues par ce
texte sont remplies par I 'Etat erl question , subordonner son vote
a.ffirmatifà la condition que, en même temps que l'Etat dont il s'agit,
d'autres Etats soient également admis comme Membres des Nations Unies ?"
Par 9
voix contre 6, la Cour a répondu négativement à la question. Les six juges
dissidents ont joint à l'avis l'exposé des motifs pour lesquels ils ne peuvent
s'y rallier. Deux autres membres de la Cour, tout en souscrivant à l'avis, y
ont joint un exposé complémentaire.
Dans son avis
consultatif, la Cour relate d'abord les circonstances de la procédure. La
demande d'avis a été nol:ifiée à tous les Etats signataires de la Charte,
c'est-àdire à tous les Membres des Nations Unies, qui ont été avisés que la
Cour était disposée à recevoir d'eux des renseignements. C'est ainsi que des
exposés écrits furent envoyés au nom du Gouvernement des Etats suivants :
Chine. El Salvador. Guatemala, Honduras, Inde, Canada, Etats-Unis d'Amérique,
Grèce, Yougoslavie. Belgique, Irak, Ukraine, Union des Républiques socialistes
soviétiques, Australie, Siam: et des exposés oraux prononcés par le
représentant du Secrétaire général des Nations Unies et par les représentants
des Gouvernements français. yougoslave, belge, tchécoslovaque et polonais.
La Cour
fait ensuite des remarques préliminaires sur la question qui lui est posée.
Cette question -— bien que les membres aient le devoir de se conformer aux prescriptions de l'Article
4, dans les votes qu'ils émettent — vise non le vote lui-même, dont les motifs
relevant du for intérieur échappent manifesternent à tout contrôle, mais les
déclarations faites par un Membre relativement au vote qu'il se propose
d'émettre. La Cour n'est pas appelée à définir le sens et la portée des
conditions, énoncées à l'Article 4 de la Charte, auxquelles l'admission est
subordonnée : elle doit simplement dire si ces conditions sont limitatives. Si
elles le sont, un Membre n'est pas juridiquement fondé à faire dépendre
l'admission de conditions rton expressément prévues à l'article. Il s'agit donc
de fixer la portée d'un texte conventionnel. c'est-à-dire d'un problème
d'interprétation.
Néanmoins. on a prétendu que la question n'était pas juridique, mais politique. La Cour ne saurait attribuer un caractère politique à une demande, libellée en termes abstraits, qui, en lui déférant l'interprétation d'un texte conventionnel. l'invite à remplir une fonction essentiellement judiciaire.
Les mobiles qui ont
pu inspirer la demande échappent à la Cour, qui n'a pas non plus à connaître
des vues échangées au Conseil de sécurité dans les divers cas concrets dont il
s'est occupé. Par conséquent, la Cour s'estime compétente, et cela même
s'agissant d'interpréter l'Article 4 de la Charte : car on chercherait en vain
une disposition lui interdisant d'exercer à l'égard de cette clause d'un traité
multilatéral une fonction d'interprétation qui relève de l'exercice normal de
ses attributionsjudiciaires.
La Cour
passe ensuite à l'analyse de l'Article 4, paragraphe l, de la Charte. Les
conditions qu'il énumère sont au nombre de cinq : il faut l) être un Etat; 2)
être pacifique; 3) accepter les obligations de la Charte; 4) être capable de
remplir ces obligations; 5) être disposés à le faire. Toutes ces conditions
sont soumises au jugement de l'Organisation, c'est-à-dire du Conseil de
sécurité et de l'Assemblée générale, et, en dernière analyse, des Membres de l'Organisation.
Puisque la question a trait non au vote mais aux raisons qu'un Membre fait
valoir avant le vote, elle concerne bien l'attitude individuelle de chaque
Membre appelé à se prononcer sur l'admission.
Ces
conditions ont-elles le caractère limitatif ? Les textes français et anglais de
la disposition ont le même sens : établir une réglementation juridique qui, en
fixant les conditions de l'admission, déterminerait aussi les motifs du refus
d'admission. Les mots ' 'Peuvent devenir Membre des Nations Unies tous autres
Etats pacifiques" indiquent que les Etats réunissant les conditions
énumérées ont les titres voulus pour être admis; la disposition perdrait sa
valeur si d'autres conditions pouvaient être exigées. L'énumération est donc
limitative et non simplement énonciative ou exemplaire, et les conditions
énumérées sont non seulement nécessaires mais suffisantes.
On a prétendu que ces conditions représentaient un minimum indispensable,
en ce sens que des considérations politiques pourraient s'y ajouter et faire
obstacle à l'admission. Cette interprétation ne s'accorde pas avec le
paragraphe 2 de l'Article, qui prévoit l'admission de "tout Etat
remplissant ces conditions. " Elle conduirait à reconnaître aux Membres un
pouvoir discrétionnaire et sans limite dans l'exigence de conditions nouvelles,
pouvoir inconciliable avec le caractère même d'une réglementation qui, établissant
un lien étroit entre la qualité de Membre et l'observatiOn des principes et obligations
de la Charte, constitue clairement une réglementationjuridique de la matière.
Si les auteurs de la Charte avaient entendu laisser la faculté de faire appel à
des considérations étrangères aux principes et obligations prévus à la Charte.
ils auraient rédigé différemment le texte pertinent. Et ce texte est
suffisamment clair pour que la Cour, en suivant la jurisprudence de la Cour
permanente. juge inutile de recourir aux travaux préparatoires pour en préciser
le sens. Au surplus. l'interprétation que donne la Cour avait déjà été adoptée
par le Conseil de sécurité, ainsi que le montre l'article 60 de son règlement
intérieur provisoire.
Mais, tout en ayant le caractère limitatif, l'Article 4 n'exclut pas une
appréciation discrétionnaire des circonstances de fait de nature à permettre de
vérifier l'existence des conditions requises. Il n'interdit pas la prise en
considération d'éléments de fait qui, raisonnablement et en toute bonne foi,
peuvent être ramenés aux conditions énumérées : ces conditions. par leur
caractère à la fois large et souple. impliquent une telle prise en
considération. Aucun élément politique pertinent, c'est-à-dire se rattachant
aux conditions d'admission, n'est donc écarté.
Les conditions énumérées à l'Article 4 sont donc bien limitatives et on ne
saurait pas le contester en faisant appel aux termes du paragraphe 2 de l'
Article — qui se bornent à organiser la procédure d'admission —, non plus d'ailleurs
qu'en invoquant le caractère politique des organes des Nations Unies chargés
des admissions, car ce caractère ne peut les soustraire à l'observation des
dispositions qui les régissent, lorsque ces dispositions constituent des
limites à leur pouvoir; ce qui montre qu'il n'y a aucune contradiction entre
les fonctions des organes politiques et le caractère limitatif des conditions
prescrites.
La Cour passe ensuite à la deuxième partie de la question. qui l'invite à
dire si un Etat peut. alors qu'il reconnaît que les conditions prévues à
l'Article 4 sont remplies par le candidat. subordonner son vote affirmatif à
l'admission concomitante d'autres Etats.
Jugée d'après la règle que la Cour adopte dans son interprétation de
l'Article 4. il s'agirait là d'une condition nouvelle, car elle est sans
rapport aucun avec celles qui sont énoncées à l'Article 4. Cette condition se
présente même dans un plan tout différent. puisqu'elle fait dépendre
l'admission non des conditions exigées des candidats, mais de considérations
extrinsèques concernanl. d'autres Etats. D'ailleurs, elle empêcherait que
chaque demande d'admission soit examinée selon ses propres mérites et fasse
l'objet d'un vote individuel, ce qui serait contraire à la lettre et à l'esprit
de la Charte.
C'est par ces motifs que la Cour répond négativement à la
question qui lui est posée.
52. AFFAIRE DES ESSAIS NUCLÉAIRES
(AUSTRALIE C. FRANCE) [MESURES CONSERVATOIRES]
Ordonnance du 22 juin 1973
La Cour a rendu,
par 8 voix contre 6, une ordonnance par laquelle elle a indiqué à titre
provisoire, en attendant son arrêt définitif dans l'affaire des Essais
nucléaires (Australie c. France), les mesures conservatoires suivantes tendant
à ce que :
Le Gouvernement
australien et le Gouvernement français veillent l'un et l'autre à éviter tout
acte qui risquerait d'aggraver ou d'étendre le différend dont la Cour est
saisie ou de porter atteinte au droit de l'autre Partie à obtenir l'exécution
de tout arrêt que la Cour pourrait rendre en l'affaire; et en particulier le
Gouvernement français s'abstienne de procéder à des essais nucléaires
provoquant le dépôt de retombées radioactives sur le territoire australien.
M. Lachs,
président de la Cour, étant empêché de siéger pour raison de santé, c'est M.
Ammoun, viceprésident, qui a fait fonction de président en vertu de l'Article
45 du Statut et qui a procédé à la lecture de l'ordonnance. M. Dillard étant
également absent pour cause de maladie, la composition de la Cour était la
suivante : M. Ammoun, vice-président faisant fonction de président; MM. Forster,
Gros, Bengzon, Petrén, Onyeama, Ignacio-Pinto, de Castro, Morozov, Jiménez de
Aréchaga, sir Humphrey Waldock, MM. Nagendra Singh et Ruda, juges; sir Garfield
Barwick, juge ad hoc.
Parmi les juges ayant voté pour l'indication de mesures
conservatoires, M. Jiménez de Aréchaga, sir Humphrey Waldock, M. Nagendra Singh
et sir Garfield Barwick ont joint à l'ordonnance des déclarations. Parmi les
juges ayant voté contre. MM. Forster, Gros, Petrén et Ignacio-Pinto ont joint à
l'ordonnance des opinions dissidentes.
Dans son ordonnance, la Cour rappelle que l'Australie a
introduit le 9 mai 1973 une instance contre la France au sujet d'un différend
portant sur des essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère auxquels le
Gouvernement français procéderait dans l'océan Pacifique. Le Gouvernement
australien a prié la Cour de dire etjuger que la poursuite des essais
atmosphériques d'armes nucléaires dans l'océan Pacifique Sud n 'est pas
compatible avec les règles applicables du droit international et d 'ordonner au
Gouvernement français de ne plus faire de tels essais. Le mêmejour le
Gouvernement australien a demandé à la Cour d'indiquer des mesures
conservatoires. Dans une lettre de l'ambassadeur de France aux Pays-Bas remise
par celui-ci au Greffier le 16 mai, le Gouvernement français a fait savoir
qu'il estime que la Cour n'a manifestement pas compétence en l'espèce et qu'il
ne peut accepter sa juridiction, et qu'en conséquence le Gouvernement français
n'avait pas l'intention de désigner un agent et demandait à la Cour d'ordonner
que l'affaire soit rayée de son rôle. Joint à la lettre était un exposé des
raisons pour lesquelles le Gouvernement français était parvenu à ces conclusions.
La Cour indique des mesures conservatoires sur la base de
l'Article 41 de son Statut et en tenant compte notamment des considérants
suivants :
-— Les éléments soumis à la Cour l'amènent à conclure, au
stade actuel de la procédure, que les dispositions invoquées par le demandeur
en matière de compétence se présentent comme constituant prima facie une base
sur laquelle la compétence de la Cour pourrait être fondée;
-— On ne saurait supposer à priori que les demandes du
Gouvernement australien échappent complètement à la juridiction de la Cour ou
que ce gouvernement ne soit pas en mesure d'établir à l'égard de ces demandes
l'existence d'un intérêt juridique autorisant la Cour à accueillir la requête;
-— Aux fins de la présente procédure, il suffit de noter
que les renseignements soumis à la Cour n 'excluent pas qu'on puisse démontrer
que le dépôt en territoire australien de substances radioactives provenant des
essais cause un préjudice irréparable à l'Australie.
La Cour constate ensuite qu'elle ne peut faire droit, au
stade actuel de la procédure, à la demande du Gouvernement français tendant à
ce que l'affaire soit rayée du rôle. Toutefois la présente décision ne préjuge
en rien la compétence de la Cour pour connaître du fond de l'affaire ni aucune
question relative à la recevabilité de la requête ou au fond lui-même et elle
laisse intact le droit du Gouvernement français de faire valoir ses moyens en
ces matières.
La Cour décide enfin que les pièces de procédure écrite
porteront d'abord sur sa compétence pour connaître du différend et sur la
recevabilité de la requête et elle fixe au 21 septembre 1973 la date
d'expiration du délai pour le dépôt d'un mémoire du Gouvernement australien et
au 21 décembre 1973 la date d'expiration du délai pour le dépôt d'un contre-mémoire
du Gouvernement français.
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